AMNESTY INTERNATIONAL
PUBLICATION 
« J’ai peur que l’avenir ne soit un cauchemar » 
Par Lene Christensen, conseillère médias à Amnesty International Norvège 
Dans
 un café de Sotchi, « Ivan », 17 ans, évoque tranquillement son 
expérience en tant que jeune homme ouvertement gay habitant la cité 
olympique. Une ville dans laquelle, d’après le maire, il n’y a pas 
d’homosexuels. 
L’histoire d’Ivan est 
troublante. Lorsque son compte sur un réseau social a été piraté il y a 
environ un an, la nouvelle de son orientation sexuelle s’est rapidement 
répandue. 
Lorsqu’il a changé de lycée,
 les informations sur sa sexualité se sont de nouveau diffusées comme 
une traînée de poudre parmi ses
 nouveaux camarades de classe. Aujourd’hui, aller au lycée veut dire se 
faire insulter et cracher dessus, nous explique-t-il. Il a été agressé à
 plusieurs reprises et des assaillants non identifiés l’ont aspergé 
d’eau sale et d’urine. Une fois, ils sont allés jusqu’à tenter de le 
violer. Sa voix se brise lorsqu’il raconte son calvaire quasi quotidien.
 
Son histoire fait froid dans le dos. 
Surtout lorsque l’on sait que pour Ivan, comme pour beaucoup de 
personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées 
(LGBTI) en Russie, il est inutile de chercher de l’aide et du soutien de
 la part des enseignants ou de déposer plainte auprès des services de 
police pour harcèlement et agressions violentes. Dans le cas d’Ivan, 
quand il a voulu porter plainte, l’administration scolaire lui a 
simplement conseillé de supprimer sa page sur les réseaux sociaux – 
comme si cela pouvait suffire
 à résoudre le
 problème. Ils ont aussi remis en cause sa certitude quant à son 
orientation sexuelle, plutôt que les comportements homophobes des autres
 élèves. 
Même s’ils souhaitaient 
remettre en cause ces comportements, cela risquerait-il d’être 
interprété comme une violation de la loi qui interdit de faire « la 
propagande des relations sexuelles non traditionnelles » ? Peut-être…
Après
 l’adoption de cette loi en 2013, Ivan a constaté une hostilité 
croissante envers les homosexuels et sent qu’ils sont devenus une 
nouvelle cible de la haine. 
Ivan 
s’inquiète de ce qui va se passer une fois la flamme olympique éteinte. «
 Je pense que les Jeux olympiques sont la seule chose qui les arrête 
pour l’instant… J’ai peur que l’avenir ne soit un cauchemar », 
confie-t-il. 
La réaction violente que 
redoute
 Ivan au lendemain des Jeux olympiques n’est pas une inquiétude réservée
 à la communauté LGBTI. Le
 journaliste local Nicolas Yarst a également parlé à Amnesty 
International de possibles représailles contre ceux qui critiquent les 
autorités avant et pendant les Jeux.
« Lorsque les Jeux olympiques de Sotchi seront terminés, les choses risquent d’empirer, vraiment », a-t-il déclaré. 
Nicolas
 sait de quoi il parle. Il raconte son histoire, qui illustre la manière
 dont les autorités russes répriment la liberté d’expression. 
En
 mai 2013, il a écrit un article sur la corruption et l’injustice à 
Sotchi. Peu après, les autorités ont fait en sorte qu’il ne puisse plus 
faire son travail. 
Il a été arrêté par
 la police qui l’a accusé d’avoir de la drogue dans sa voiture. Son 
dossier d’enquête pénale a fait l’aller-retour entre l’enquêteur de 
police et le bureau du procureur cinq fois,
 mais n’est jamais allé jusqu’au tribunal, les « preuves » recueillies 
étant trop minces. Les
 autorités tiennent malgré tout à le poursuivre en justice. 
Dans
 l’intervalle, les conditions de sa libération sous caution l’empêchent 
de quitter Sotchi. En tant que journaliste, son travail est sérieusement
 compromis. 
Les preuves réunies contre
 lui n’étant pas fiables, il est optimiste, tout en restant prudent, sur
 le fait que les charges contre lui vont être abandonnées. Mais il 
ignore quand. En attendant, il lutte pour nourrir sa famille. « Je suis 
assis dans mon appartement, sans savoir quoi faire. J’ai été tout 
simplement mis au rencart », explique-t-il. 
Autre
 méthode efficace utilisée par les autorités russes, les actes 
d’intimidation dirigés contre les familles des détracteurs du 
gouvernement. L’épouse et la fille de Nicolas ont dû s’installer dans 
une autre ville, car il a peur qu’elles soient elles aussi
 prises pour cibles. Ses parents ont déjà reçu la visite d’agents de
 l’État, qui ont affirmé que leur fils était peut-être un pédophile, et 
Nicolas veut éviter tout nouvel incident impliquant ses proches. 
Aujourd’hui, il voit sa famille occasionnellement. Il pense en premier 
lieu à leur sécurité. 
Piéger les 
journalistes et les militants de la société civile qui braquent les 
projecteurs sur la dure réalité de la vie quotidienne en Russie semble 
être une pratique bien répandue dans le pays. 
Nicolas
 savait ce qui l’attendait lorsqu’il a décidé de devenir journaliste, 
explique-t-il. « Je ne suis pas brisé, je continuerai à travailler pour 
faire émerger des informations sur l’inégalité sociale. » 
lundi 10 février 2014
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