dimanche 15 février 2015

Communiqué de Presse Bulgarie



La Bulgarie doit enquêter sur les crimes de haine et poursuivre les responsables afin de mettre un terme au climat de peur

Le manque de détermination dont fait preuve la Bulgarie lorsqu’il s’agit d’enquêter sur les crimes de haine et d’engager des poursuites contre leurs auteurs présumés alimente la peur, la discrimination et au final la violence, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié lundi 9 février 2015. 

Intitulé Missing the point: Lack of adequate investigation of hate crimes in Bulgaria, ce rapport rend compte des graves répercussions des crimes motivés par la haine sur les victimes et souligne le fait que l’inaction des autorités face aux préjugés à l’égard des demandeurs d’asile, des migrants, des musulmans et des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), avive la violence et la discrimination. 

« Des centaines de personnes appartenant à des minorités subissent des crimes de haine et beaucoup d’autres ne font pas confiance aux autorités pour les protéger, a déclaré Marco Perolini, spécialiste des questions de discrimination en Europe au sein d’Amnesty International. Les autorités bulgares doivent prendre fermement position et veiller à faire appliquer les lois nationales et internationales, afin de garantir le respect des droits humains pour tous. »

Crimes de haine racistes et xénophobes
En Bulgarie, la loi permet de poursuivre les auteurs de crimes de haine liés au racisme et à la xénophobie ; toutefois, les autorités s’abstiennent systématiquement de les identifier comme tels et de mener des enquêtes dignes de ce nom sur ces agissements.

Les attaques contre les migrants et les demandeurs d’asile ont connu un pic en 2013, selon le Comité Helsinki de Bulgarie et d’autres organisations locales. Le procureur général adjoint a informé Amnesty International que le bureau du procureur de Sofia avait ouvert 80 instructions pénales concernant des crimes visant des minorités ethniques – notamment des migrants, des demandeurs d’asile, des Roms et des Turcs de souche – entre janvier 2013 et mars 2014. Cependant, les données recueillies ne sont pas exhaustives et ne reflètent pas l’ampleur réelle de ces violences.

Nazir, demandeur d’asile irakien, a été agressé en septembre 2013 par un groupe de huit ou neuf personnes qui avaient des coups-de-poing américains. Il a été hospitalisé pendant neuf jours et a dû subir deux opérations. La police ne s’est pas rendue à l’hôpital pour prendre sa déposition et a ensuite refusé d’enregistrer sa plainte. Selon le témoignage de Nazir, les policiers lui ont conseillé de « déguerpir, sinon ils me renverraient en Irak ». En réponse à une question d’Amnesty International, le ministère de l’Intérieur a déclaré que deux policiers avaient été sanctionnés pour manque de diligence dans cette affaire, à l’issue d’une inspection interne, mais on ignore toujours si une enquête a été ouverte sur l’agression dont a été victime Nazir.

Pour certains crimes, comme le meurtre ou l’agression physique, la motivation raciste ou xénophobe constitue une circonstance aggravante, qui ajoute à la sanction. Cependant, les autorités traitent souvent ces crimes comme relevant de la circonstance aggravante générale de houliganisme, qui, selon les procureurs, est plus facile à démontrer. C’est en partie dû au fait que de nombreux représentants de l’État n’ont pas les connaissances ni l’expérience requises pour mettre les lois existantes en pratique.

« Bien souvent, les autorités ne prennent pas en compte l’aspect discriminatoire du crime, comme les insultes racistes. Le houliganisme, en fait un euphémisme, ne saurait remplacer les inculpations reflétant la réalité des crimes commis, a déclaré Marco Perolini, spécialiste des questions de discrimination en Europe au sein d’Amnesty International. Mettre fin au racisme et à la xénophobie suppose de reconnaître leur existence et de recueillir des informations sur ces phénomènes. » 

Metin, citoyen bulgare d’origine turque, a été violemment agressé par un groupe de skinheads vêtus de noir, au pied d’un immeuble où vivent de nombreux migrants. Son pronostic vital a été engagé, et il a passé plusieurs semaines dans le coma. L’un des agresseurs a crié à un homme qui tentait d’intervenir lorsqu’ils ont essayé de s’introduire par effraction dans l’appartement de Metin, avant l’agression : « Pourquoi défendez-vous les migrants ? Ils tuent des filles bulgares. » La police a appréhendé les suspects sur les lieux et une instruction a été ouverte pour tentative de meurtre motivée par le houliganisme.

Crimes de haine homophobes et transphobes
La législation bulgare ne comprend aucune disposition relative aux crimes de haine ayant des motivations homophobes, qui sont actuellement traités par les autorités comme des actes de « houliganisme ».

En janvier 2014, le gouvernement a proposé un nouveau Code pénal, qui intégrait l’orientation sexuelle comme motivation d’un crime de haine ; cependant, l’adoption de la loi a été suspendue à l’approche des élections parlementaires d’octobre 2014. Le nouveau gouvernement doit encore mettre en œuvre ce changement. 

« En Bulgarie, les violences homophobes et transphobes sont balayées sous le tapis. Les autorités doivent réviser la loi sur les crimes de haine, afin d’inclure tous les motifs de discrimination, afin que les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) puissent vivre sans avoir peur », a déclaré Marco Perolini.

Mihaïl Stoïanov, étudiant de 25 ans, a été assassiné dans un parc de Sofia en 2008, parce que ses agresseurs pensaient qu’il était gay. Durant l’enquête, un homme a témoigné que les deux suspects appartenaient à un groupe qui prétendait « nettoyer » le parc des homosexuels. En raison de lacunes juridiques, en août 2013, le bureau du procureur de Sofia a inculpé les suspects de meurtre commis pour des motifs de houliganisme. Le procureur chargé de l’affaire a déclaré à Amnesty International : « La loi est restrictive et c’est pourquoi je n’ai pas pu prendre en compte la motivation homophobe dans l’acte d’accusation. »

Les obstacles à la justice pour les victimes
La majorité des victimes de crimes de haine ne portent pas plainte auprès des autorités. Certaines expliquent qu’elles sont sûres que la police ne traitera pas correctement leur affaire, tandis que d’autres craignent de subir des discriminations aux mains de la police.

Selon une récente étude menée par l’Union européenne, 86 % des LGBT en Bulgarie qui avaient subi des violences ou des menaces de violence n’avaient pas signalé ces faits à la police. Environ un tiers ont affirmé avoir hésité à  porter plainte parce qu’ils avaient peur des réactions homophobes ou transphobes des policiers bulgares.

Parmi ceux qui dénoncent des crimes de haine, peu obtiennent justice ou des réparations devant les tribunaux. Amnesty International s’est entretenue avec des plaignants qui n’étaient pas informés de leurs droits en tant que victimes, ni de l’évolution de leur affaire, et ce en violation des dispositions du droit bulgare.

Aurore, femme noire française, a été agressée à un arrêt de bus à Sofia par un groupe de sept ou huit hommes. Ils ont imité les cris d’un singe et lui ont donné des coups de pied. Ses agresseurs ont mentionné son appartenance ethnique lors de l’agression, et il ne fait aucun doute qu’elle a été victime d’une agression raciste. Elle n’a jamais été citée à comparaître en tant que victime au tribunal, ni informée de l’audience. Le tribunal a acquitté les suspects de toute responsabilité pénale et les a condamnés à une amende.

Aurore a déclaré à Amnesty International : « Une partie de moi est morte ce jour-là… Surtout en sachant que ces gens s’en sont sortis avec une amende, et que je n’ai pas été informée de l’audience… Je ne veux pas d’argent ni quoi que ce soit, je veux simplement que ces actes soient reconnus et dûment sanctionnés pour que, peut-être, de telles choses ne se produisent plus à l’avenir. »

« Les autorités doivent enquêter, reconnaître et condamner publiquement les crimes de haine afin d’empêcher qu’ils ne se reproduisent, et combattre les préjugés bien ancrés dans la société bulgare », a déclaré Marco Perolini.

Communiqué de press Malaisie

©GT Howe/AP

Malaisie. Le verdict prononcé contre Anwar Ibrahim va avoir un effet néfaste sur la liberté d'expression

La décision d'un tribunal malaisien de déclarer Anwar Ibrahim, dirigeant de l'opposition, coupable de « sodomie » et de le condamner à cinq ans d'emprisonnement constitue un jugement oppressif qui va avoir un effet néfaste sur la liberté d'expression dans le pays, a déclaré Amnesty International. 

Mardi 10 février, la Cour fédérale de Malaisie, plus haute juridiction du pays, a confirmé la décision d'une cour d'appel annulant l'acquittement d'Anwar Ibrahim à la suite de poursuites pour « sodomie » remontant à 2008 et l'a condamné à cinq ans de prison. 

« Ce jugement déplorable est le dernier épisode en date des tentatives incessantes des autorités malaisiennes visant à faire taire les détracteurs du gouvernement. Les accusations de “sodomie” portées contre Anwar Ibrahim ont toujours été motivées par des considérations politiques et il doit être libéré immédiatement, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d'Amnesty International. 

« La justice malaisienne a manqué une occasion de montrer son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Nous considérons Anwar Ibrahim comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. 

« Les tentatives visant à faire taire ce dirigeant de l'opposition s'inscrivent dans une répression généralisée des voix dissidentes en Malaisie. Au cours de l'année écoulée, les autorités ont fait amplement usage de la Loi relative à la sédition, un texte draconien, pour s'en prendre aux journalistes, responsables politiques et universitaires qu'elles trouvent gênants. Cette pratique doit cesser immédiatement. »