samedi 26 mai 2018

Communiqué de presse Ukraine : La passivité des autorités encourage l’intensification des violences de l’extrême droite

AMNESTY INTERNATIONAL
DÉCLARATION PUBLIQUE

16 mai 2018
Index AI : EUR 50/8434/2018
Ukraine. La passivité des autorités encourage l’intensification des violences de l’extrême droite

Les autorités ukrainiennes n’ont jamais pris de mesures efficaces pour empêcher et sanctionner les violences, de plus en plus fréquentes depuis 2015, commises par des groupes d’« extrême droite ». Les victimes de ces violences et de ces menaces, notamment des femmes, des militant-e-s des droits des personnes LGBTI, des militant-e-s de gauche, des familles roms et d’autres personnes et groupes pris pour cible par des membres de groupes d’« extrême droite », restent exposées à des attaques et à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement. Ces personnes ne bénéficient toujours pas d’une protection efficace, sauf dans quelques cas précis, comme lors la marche des fiertés de Kiev en 2017, et rien ne laisse penser que des mesures de protection exhaustives sont envisagées, et encore moins mises en place. De plus, la passivité persistante des autorités face aux violences perpétrées par des groupes d’extrême droite encourage les membres de ces groupes, conscients de l’impunité quasi-totale dont ils bénéficient, à planifier et à mener d’autres attaques. Cette passivité des autorités reflète un mépris flagrant pour les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique et pour le droit à la liberté et à la sécurité des groupes et personnes pris pour cible. Pour faire face à cette situation, les autorités ukrainiennes doivent mettre en place une politique de « tolérance zéro » pour ces violences et prendre des mesures immédiates pour protéger les victimes et amener les responsables présumés de tels actes à rendre des comptes.

Au cours des 14 derniers mois, Amnesty International a recensé pas moins de 30 attaques perpétrées par des membres de groupes d’« extrême droite ». Dans tous les cas sauf un, les responsables ont bénéficié d’une impunité totale pour leurs actions. Cela les a encouragés à préparer et à mener d’autres attaques et à harceler et intimider leurs cibles en ligne et hors ligne, et il est clair que ce problème est de plus grave.
Les autorités ukrainiennes semblent avoir décidé de ne pas apporter de réponse adéquate aux attaques dont sont victimes les groupes de gauche et les populations marginalisées. Dans la plupart des cas, des membres de groupes d’extrême droite préparent et mènent ouvertement ces attaques et revendiquent souvent leurs actions violentes sur les réseaux sociaux et ailleurs. Ils prévoient généralement leurs attaques avant un événement précis, via des forums en ligne publics ou privés ou par d’autres moyens. Ainsi, il semblerait tout à fait possible et faisable pour les agences ukrainiennes chargées de l’application des lois de prendre des mesures préventives efficaces et suffisantes et d’identifier et de poursuivre les responsables de ces attaques. Cependant, à quelques exceptions près, aucune mesure n’est prise.

La protection de la marche des fiertés de Kiev en 2016 et 2017 a fait exception à la règle générale d’absence de protection des événements LGBTI et des militant-e-s des droits des personnes LGBTI. Les responsables d’attaques contre des personnes régulièrement prises pour cibles par des groupes d’extrême droite font encore moins souvent l’objet de poursuites. Des poursuites de ce type ont été engagées dans seulement un cas parmi tous les faits de violences recensés par Amnesty International au cours des 14 derniers mois : les responsables présumés de l’attaque menée lors du Festival de l’égalité de la ville de Zaporijia en septembre 2017 ont été identifiés, arrêtés et déférés à la justice. Leur procès est toujours en cours.

La dernière attaque de ce type a eu lieu lors d’un débat ouvert au public et ayant pour thème « L’Offensive contre les droits des personnes LGBTI, forme de censure : l’exemple russe », qui aurait dû se tenir au Underhub de Kiev, un espace privé, le 10 mai. Le bureau d’Amnesty International à Kiev était à l’origine de cet événement et des intervenants d’Amnesty International, de Human Rights Watch et de KyivPride étaient présents, ce qui a permis aux trois organisations de témoigner des événements, lesquels étaient similaires à de nombreuses autres attaques de ce type.
Ce jour-là, peu avant l’ouverture prévue de l’événement, plus de 20 militants d’extrême droite sont arrivés et ont menacé les participants de violences s’ils ne partaient pas immédiatement. Trois membres d’une entreprise de sécurité privée, employés par les organisateurs de l’événement, ont bloqué l’accès à la salle de conférence, empêchant ainsi les militants d’extrême droite d’entrer et de mettre leurs menaces à exécution. Cependant, les organisateurs et certains des participants sont restés coincés à l’intérieur et l’événement n’a pas pu avoir lieu. Pendant ce temps, cinq policiers du raïon (arrondissement) de Petchersk, qui étaient présents sur les lieux depuis le début, ont refusé d’intervenir. Leur commandant d’unité a déclaré aux organisateurs de l’événement que l’unité de cinq hommes n’était pas suffisante pour s’opposer aux assaillants et a dit : « Ils ne vous frappent pas, si ? ». Certaines personnes qui devaient participer à l’événement mais sont arrivées plus tard n’ont pas pu entrer et ont vu le même agent de police parler amicalement avec le dirigeant du groupe d’assaillants. Ils ont également entendu des membres de l’unité de police employer un langage homophobe. Peu après l’arrivée des assaillants, l’un des propriétaires, ou un représentant des propriétaires, du lieu de l’événement est venu et a demandé aux organisateurs d’annuler l’événement et de quitter les lieux. Le même homme a dit aux assaillants, qu’il a qualifiés de « normaux » (un commentaire homophobe pour les distinguer des militants des droits des personnes LGBTI), que s’il avait su qu’il s’agissait d’un événement sur les droits des personnes LGBTI, il n’aurait pas autorisé la location des lieux.
Environ une heure plus tard, une unité de la police de patrouille urbaine de la ville (une autre branche de la police) est arrivée. Les organisateurs s’étaient entretenus avec un membre haut placé de la patrouille urbaine qui leur avait promis de leur apporter un soutien et une protection. Ce n’est en effet qu’après l’arrivée de la police de patrouille urbaine que les participants ont pu quitter les lieux en sécurité. Ils ont été accompagnés hors des lieux en petits groupes et sont rentrés chez eux en taxi, de peur d’être attaqués par les assaillants en route. En effet, les participants à des événements de ce type protégés par la police sont souvent attaqués après avoir quitté les lieux.

L’attaque menée lors du débat du 10 mai n’est pas surprenante. Les organisateurs avaient reçu des menaces de membres de groupes d’extrême droite qui prévenaient qu’ils allaient interrompre l’événement, et en avaient informé la police. C’est pour cette raison que la police était présente sur les lieux dès le début. Cependant, il était clair que les policiers postés sur les lieux ne savaient que très peu, voire rien, des violences annoncées, et s’ils en avaient connaissance, ils n’étaient pas venus correctement préparés. Les témoignages des participants et les conversations des policiers qu’ils ont entendues laissent penser que les forces de l’ordre n’avaient pas prévu de réponse aux événements de cette soirée, qui étaient pourtant prévisibles. Des informations essentielles fournies par des sources en lignes ou déduites du déroulement d’événements passés lors desquels des membres de groupes d’extrême droite avaient mené des attaques à Kiev étaient disponibles. Ce n’est qu’après l’arrivée de l’unité de police de patrouille urbaine, dont les membres étaient armés et en nombre suffisant, que les participants ont pu être évacués. Les assaillants ont cependant atteint leur objectif principal : interrompre et faire annuler le débat, ce dont certains se sont par la suite vantés en ligne, publiant parfois des photos des personnes qui ont pris leur parti. Aucun des assaillants n’a été appréhendé au moment des faits, et à ce jour, aucun n’a été amené à rendre des comptes.

L’attaque menée lors de cet événement était semblable à bien des égards à de nombreuses autres attaques de groupes d’extrême droite.

Le 8 mars 2018, des groupes d’extrême droite ont mené des attaques contre les participants à des manifestations pacifiques en faveur des droits des femmes à plusieurs endroits en Ukraine.

À Kiev, aux moins cinq personnes participant à la Marche des femmes ont été blessées. Deux femmes ont été couvertes d’un liquide antiseptique vert tâchant. Le journaliste Bogdan Novak et un autre participant ont reçu du gaz poivre dans les yeux. Des assaillants ont pris des pancartes à plusieurs manifestants. Une vidéo rendue publique montre les assaillants qui essaient de prendre les pancartes des mains de militantes pendant que les policiers présents sur place essaient de convaincre les femmes de les ranger pour éviter les « provocations ». 

De plus, après la Marche des femmes à Kiev, les autorités ont accusé l’une des organisatrices, Olena Chevtchenko, directrice de l’ONG Insight, d’avoir enfreint les règles relatives aux rassemblements publics, en raison d’une banderole « provocante » portée par certains manifestants. La banderole en question, qui a depuis été diffusée largement sur les réseaux sociaux, montrait notamment une silhouette de femme et un trident (l’un des symboles de l’Ukraine) pointant vers ses fesses. Cela a été considéré comme une offense et a été utilisé comme base pour les poursuites engagées contre Olena Chevtchenko au titre du Code des infractions administratives ukrainien. L’audience dans le cadre de l’affaire de la militante devait avoir lieu le 12 mars au tribunal du raïon (arrondissement) de Chevtchenkovski, à Kiev. Cependant, avant le début de l’audience, une vingtaine d’hommes agressifs a fait irruption dans la salle d’audience. D’après la militante et son avocate, ces hommes avaient des matraques télescopiques et des bombes lacrymogènes et leur présence avait pour but d’intimider et de faire pression sur le tribunal. L’audience a par conséquent été ajournée au 15 mars, date à laquelle de nombreux militants, accompagnés de journalistes et d’observateurs diplomatiques, ont investi la salle d’audience les premiers. Le tribunal a statué qu’Olena Chevtchenko n’avait commis aucune infraction et a classé l’affaire.

Le 8 mars, à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, des participants à la manifestation intitulée « Sisterhood. Support. Solidarity » ont également été attaqués par une foule agressive, qui a utilisé le même liquide vert tâchant. L’un des manifestants a été gravement blessé à la tête et a dû être hospitalisé.
Le même jour, à Oujgorod, également dans l’ouest de l’Ukraine, des participants à une marche en faveur des droits des femmes ont été attaqués par un groupe de six personnes qui leur ont jeté de la peinture rouge dessus. L’une des organisatrices, Vitalina Koval, a reçu de la peinture chimique dans les yeux. La police a arrêté les assaillants et en a inculpé quatre, toutes des femmes, de houliganisme et de crime de haine (articles 296 et 161 du Code pénal ukrainien), avant de les libérer le même jour. Dans les jours qui ont suivi, des militants en faveur des droits des femmes de la région ont commencé à recevoir des menaces sur les réseaux sociaux.

Le 20 avril 2018 au soir, des membres d’un groupe local d’extrême droite se faisant appeler C14 ont attaqué le campement d’un groupe de familles roms dans le parc Lysa Hora, dans le raïon (arrondissement) de Holosiyvsky, à Kiev. Avant l’attaque, des représentants du C14 et des personnes s’étant fait passer pour des représentants du raïon (arrondissement) de Holosiyvsky s’étaient déjà rendus sur les lieux au moins deux fois : la première fois deux mois avant l’attaque, puis quelques jours avant. Ces personnes avaient demandé aux familles roms de quitter les lieux rapidement. D’après des témoins, pendant l’attaque, les assaillants ont utilisé du gaz poivre, des couteaux et d’autres armes blanches, voire même des armes à feu. Ils ont brûlé 15 tentes et ont chassé les habitants. Le lendemain, en réponse à des questions des médias, la police a déclaré n’avoir reçu aucune plainte liée à ces événements et a affirmé ne pas pouvoir faire de commentaire sur le sujet. Dans le même temps, des membres du C14 ont parlé de ces événements sur Internet, évoquant une intervention réussie, et ont affirmé, en utilisant des termes délibérément ambigus, qu’ils avaient eu recours à des « méthodes de persuasion » mais pas à la violence pour atteindre leurs objectifs. Ce n’est que le 25 avril, lorsqu’une vidéo de l’attaque a été publiée sur le site d’informations LB.ua (http://bit.ly/2HwXUCn), que le ministre de l’Intérieur Arsen Avakov a condamné l’attaque sur son compte Twitter, affirmant qu’elle avait été motivée par des considérations ethniques, et que la police a officiellement confirmé qu’une enquête avait été ouverte sur ces événements. La vidéo montre clairement les hommes chassant violemment des femmes avec des enfants, jetant des objets et pulvérisant du gaz poivre.

À ce jour, l’enquête sur l’attaque contre les familles roms est toujours en cours et aucune avancée n’a été signalée. Ce n’était pas la première fois que des familles roms étaient attaquées ces dernières années en Ukraine, et aucune information n’a fait état de poursuites contre les responsables des autres violences de ce type.
La liste des attaques perpétrées par des membres de groupes d’extrême droite s’allonge et le problème prend de plus en plus d’ampleur. 

Les autorités ukrainiennes doivent reconnaître le problème que représente l’intensification des violences commises par des groupes d’extrême droite dans tout le pays et prendre des mesures immédiates efficaces pour y faire face. Elles doivent notamment : 

    • reconnaître publiquement le problème et son ampleur, sanctionner toutes les formes de violences et de menaces par des groupes d’extrême droite, s’engager à mettre en œuvre une politique de « tolérance zéro » claire destinée à assurer la sécurité et la protection des victimes et des personnes visées par ces violences et veiller à ce que les responsables présumés fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites efficaces ;

    • s’engager, dans le cadre de cette politique de tolérance zéro, à veiller au respect et à la protection des droits humains fondamentaux de toutes et tous en Ukraine, notamment des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique et du droit à la liberté et à la sécurité, et s’engager à lutter contre les violences et les discriminations dont se rendent responsables des acteurs étatiques et non étatiques, particulièrement lorsqu’elles sont motivées par des considérations liées à l’origine ethnique, au genre, à la sexualité, à l’expression pacifique des convictions ou d’autres motifs de discrimination ;

    • diligenter dans les meilleurs délais une enquête impartiale et efficace sur toutes les violences et menaces de violences signalées, identifier les responsables présumés et les amener à rendre des comptes dans le cadre de procès équitables, et mettre ainsi immédiatement fin à l’impunité dont bénéficient les personnes qui organisent et commettent de telles infractions ;

    • prendre des mesures préventives efficaces contre toute menace crédible d’attaque préméditée, notamment en mettant en place une protection efficace des événements organisés par les groupes et personnes qui ont été régulièrement victimes des violences de groupes d’extrême droite, comme les femmes, les militant-e-s des droits des personnes LGBTI, les militant-e-s de gauche et les familles roms ;

    • s’abstenir de prendre des mesures qui apporteraient un soutien explicite ou implicite aux groupes qui perpètrent ou encouragent des atteintes aux droits humains ou des violences, notamment des discriminations liées à l’origine ethnique, au genre, à la sexualité, à l’expression pacifique des convictions ;

    • ouvrir des enquêtes sur tous les faits signalés d’utilisation de langage discriminatoire et homophobe par des membres des forces de police et d’autres représentants de l’État et prendre les mesures disciplinaires nécessaires, et d’autres mesures le cas échéant, contre les responsables présumés ;

    • fournir à la police des lignes directrices claires et des instructions concernant les interventions liées à la protection des personnes et groupes pris pour cible par des groupes d’extrême droite, ainsi que des événements que ces personnes organisent, et fournir aux forces de police concernées les ressources et la formation nécessaires ;

    • créer une équipe spéciale chargée d’analyser et d’améliorer si besoin la méthode de collecte de renseignements sur les attaques prévues, le harcèlement et les menaces contre des personnes et des groupes régulièrement pris pour cible par des membres de groupes d’extrême droite, afin de rendre plus efficaces les actions de prévention et la protection des groupes et personnes menacés ;

    • utiliser les compétences et initiatives déjà mises en place par des organisations de la société civile, des journalistes, des universitaires, entre autres, pour atteindre ces objectifs.

mardi 22 mai 2018

Action Urgente Ukraine : Des menaces pèsent sur le festival pour l'égalité des droits

EXTERNE                        SF 18 U 164 - EUR 50/8424/2018

AU 99/18                         Toulouse, le 17 mai 2018

UKRAINE : DES MENACES PÈSENT SUR LA TENUE DU FESTIVAL POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS

La police ukrainienne de la ville de Tchernivtsi, dans l'ouest du pays, a conseillé aux organisateurs du Festival pour l'égalité des droits de déplacer l'événement du centre-ville vers un lieu non dévoilé, au motif que des groupes d'extrême-droite ont proféré des menaces et sont déterminés à perturber le festival. La police a ajouté qu'elle n’est pas en mesure de déployer un nombre suffisant d’agents pour assurer la protection de l'événement, alors que selon certaines informations, des membres de différents groupes d'extrême-droite de toute l'Ukraine s’apprêtent à rallier Tchernivtsi au moment du festival.

Le 14 mai, le responsable du Service des activités de prévention de la police de Tchernivtsi, Sviatoslav Kishliar, a déclaré aux organisateurs du Festival pour l'égalité des droits qu'il s'était entretenu avec Igor Loutchak, représentant du Corps National, un groupe d'extrême-droite, qui lui avait assuré : « Le Festival pour l'égalité des droits n'aura pas lieu à Tchernivtsi. Ils vont l'interrompre. »

En outre, la police a conseillé aux organisateurs de déplacer le festival vers un lieu non dévoilé, à l'écart du centre-ville. Elle a ajouté qu'elle n’est pas en mesure de déployer plus de 10 policiers pour assurer la sécurité de l'événement, car la ville accueille au même moment un festival de musique.

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samedi 19 mai 2018

Annonce Turquie : La marche des fiertés interdite doit être autorisée à se dérouler en paix

(avec un peu de retard, désolé)

AMNESTY INTERNATIONAL
ANNONCE À L’ATTENTION DES MÉDIAS

10 mai 2018
AILRC-FR
Turquie. La marche des fiertés interdite doit être autorisée à se dérouler en paix
· Des porte-parole d’Amnesty International sur place sont disponibles pour des entretiens.

En amont de la marche des fiertés organisée vendredi 11 mai par des étudiants à l’université technique du Moyen-Orient, et annulée par le recteur de l’université au titre de l’interdiction générale des événements LGBTI par les autorités de la ville d’Ankara, Fotis Filippou, directeur des campagnes pour l’Europe à Amnesty International, a déclaré :
« Ces sept dernières années, les étudiants et les étudiantes de cette université ont marché à travers leur campus pour soutenir les droits des personnes LGBTI. Plutôt que d’interdite les événements liés aux marches des fiertés, les autorités municipales et universitaires devraient soutenir et protéger de telles marches. Les étudiants doivent être autorisés à marcher sans craindre d’être intimidés ni de subir d’actes de violence. »
« La marche des fiertés de cette université n’est pas la seule à être menacée. Des interdictions comme celle-ci ont été utilisées pour renverser une tendance auparavant progressiste de lutte contre l’homophobie et la transphobie en Turquie. »
Complément d’information
À l’approche de la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie qui se tient le 17 mai, Amnesty International appelle le gouverneur d’Ankara à annuler l’interdiction générale de tous les événements LGBTI à Ankara.
Les autorités turques doivent garantir que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et leurs alliés puissent exercer leur droit à la liberté d'expression et de réunion sans craindre d’être intimidés ni de subir d’actes de violence.
Pour des mises à jour depuis le terrain, suivez https://twitter.com/berileski et https://twitter.com/aforgutu

Pour obtenir davantage d'informations ou organiser un entretien, veuillez prendre contact avec : Stefan Simanowitz, à Londres : stefan.simanowitz@amnesty.org ou +44 2030365599.

Agissez ici :https://www.amnesty.org/en/get-involved/take-action/urgent-let-students-in-turkey-celebrate-pride

Article Turquie : Marcher avec fierté en Turquie malgré la répression

AMNESTY INTERNATIONAL
ARTICLE

AILRC-FR
10 mai 2018
Marcher avec fierté en Turquie malgré la répression

Milena Buyum
Depuis sept ans, l'Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ) à Ankara organise une fête des Fiertés, qui se termine par un défilé à travers le campus. Pourtant, cette année, les autorités de la ville et le recteur de l'université refusent de donner leur aval. Malgré l'interdiction, le mouvement LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués) de l'université est déterminé à maintenir la Marche des fiertés le 11 mai 2018.
« Nous estimons que si nous cédons du terrain aujourd'hui, il sera très difficile de le regagner, me confie un représentant étudiant. Nous avons marché pour la Fierté l'an dernier sous l'état d'urgence... Notre marche aura bien lieu. »
La Marche des fiertés de cette université n’est pas la seule à être menacée. Depuis trois ans, ces manifestations ont été interdites à Istanbul et Ankara, tandis que d'autres événements comme des festivals de film LGBTI ont été annulés « en raison de sensibilités sociales ».
En novembre dernier, la préfecture d'Ankara s’est appuyée sur les pouvoirs conférés par l'état d'urgence, en vigueur depuis le putsch manqué, pour interdire pendant une durée indéterminée tous les événements publics à l’initiative d’organisations LGBTI dans la ville, invoquant la nécessité de garantir « la sécurité publique », et de préserver « la santé générale et la morale » et « les droits et libertés d'autrui ».
Cette interdiction générale menace l'existence même des organisations LGBTI et inverse la tendance progressiste constatée avant la tentative de coup d'État en matière de lutte contre l'homophobie et la transphobie.
« Aujourd'hui plus que jamais, la plupart des LGBTI en Turquie vivent avec la peur au ventre, m'a confié une militante lors de notre rencontre dans un café à Istanbul, un jour gris de février. Elle a très peur et préfère taire son nom.
« Au vu de la répression générale qui s’abat sur la liberté d'expression, les espaces de liberté où les personnes LGBTI peuvent être elles-mêmes se font rares. Elles n'entrevoient aucun espoir, aucun avenir. Beaucoup parmi nous ont quitté le pays ou envisagent de partir. »
On est loin de la Turquie d'il y a seulement quelques années, lorsque les organisations LGBTI étaient de plus en plus visibles et audibles – la dernière Marche des fiertés à Istanbul en juin 2014 a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues, affichant une confiance joyeuse.
Tout cela n'est plus qu'un souvenir lointain, surtout depuis la répression qui a suivi la tentative de coup d'État de juillet 2016.
Cependant, les organisations LGBTI ne sont pas les seules dans le collimateur.
Dans un récent rapport, Amnesty International révèle que l’offensive croissante contre les défenseurs des droits humains a ruiné la vie de centaines de milliers de personnes en Turquie, entravé le travail essentiel des organisations et plongé des pans entiers de la société turque dans un état de peur permanente.
Intitulé Weathering the storm: Defending human rights in Turkey’s climate of fear, ce document dévoile que l'état d'urgence n’a épargné que de rares secteurs d'une communauté militante jadis dynamique en Turquie.
La répression au niveau national se traduit par des arrestations et des renvois massifs de fonctionnaires, vide de sa substance le système juridique et réduit au silence les défenseurs des droits humains, menacés, harcelés et incarcérés.
Décrété à titre de mesure provisoire exceptionnelle il y a près de deux ans, l'état d'urgence a été renouvelé pour la septième fois la semaine dernière – ce qui fera en tout deux années sous ce régime draconien. Depuis son entrée en vigueur, les droits fondamentaux sont piétinés.
Plus de 100 000 personnes ont fait l'objet d'enquêtes pénales et au moins 50 000 sont incarcérées dans l'attente de leur procès, pour leur soutien présumé à la tentative de coup d'État. Plus de 107 000 fonctionnaires ont été sommairement limogés pour le même motif.
Les lois antiterroristes et les accusations forgées de toutes pièces en lien avec la tentative de coup d'État sont utilisées pour réduire au silence la dissidence pacifique et légitime. Des journalistes, des universitaires, des défenseurs des droits humains et des militants sont soumis à la détention arbitraire et, s'ils sont déclarés coupables à l'issue de procès iniques, condamnés à de lourdes peines.
Osman Ýþçi, secrétaire général de l'Association pour la défense des droits humains, a déclaré : « Le but est de maintenir un climat de peur. C'est arbitraire, imprévisible et difficile à remettre en cause : c'est le règne de l'impunité. »
Lors d’un entretien à son bureau à l'université d'Istanbul, la professeure Þebnem Korur Fincancý, défenseure des droits humains, a déclaré : « J'ai un petit sac tout prêt à la maison. » Elle se tient prête au cas où la police viendrait l'arrêter à l'aube.
La répression contre la dissidence a forcément un impact dévastateur sur la liberté d'expression. L'avocate et défenseure des droits humains Eren Keskin, qui doit répondre de 140 chefs d'inculpation, a déclaré : « Je tente d'exprimer mes opinions librement, mais je suis parfaitement consciente de devoir y repenser à deux fois avant de dire ou d'écrire quelque chose. »
Des publications en ligne peuvent aussi conduire les citoyens en prison.
Après le lancement de l'offensive militaire turque à Afrin, dans le nord de la Syrie, le 22 janvier 2018, des centaines de personnes qui se sont déclarées opposées à cette intervention ont été prises pour cibles.
Selon le ministère de l'Intérieur, au 26 février, 845 personnes avaient été arrêtées en raison de posts sur les réseaux sociaux, 643 soumises à des poursuites judiciaires et 1 719 comptes de réseaux sociaux faisaient l’objet d’investigations en lien avec des posts concernant Afrin.
Plus de 1 300 ONG ont été fermées de manière permanente au titre de l'état d'urgence, sous prétexte de liens vagues avec des groupes « terroristes ». Il s'agit entre autres d’ONG qui faisaient un travail essentiel en aidant des groupes comme les victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre, les personnes déplacées et les enfants.
« On observe désormais un vide immense en matière de conseil et de soutien apportés aux victimes. Cela me brise le cœur », me confie Zozan Özgökçe, de l’Association de femmes Van. Cette organisation, qui a été fermée, contribuait à sensibiliser les enfants aux abus sexuels et dispensait aux femmes une formation en leadership et éducation financière.
On compte de nombreuses organisations de défense des droits des LGBTI parmi celles qui ont été fermées. Celles qui restent signalent une nette recrudescence des actes d’intimidation et de harcèlement qui visent des personnes et des manifestations.
Les dispositions d’urgence deviennent la norme en Turquie – les défenseurs des droits humains en font bien souvent les frais. Pourtant, ce dont j'ai pris conscience en parcourant le pays ces derniers mois, c’est qu’en dépit de cette offensive, des gens courageux continuent de se mobiliser et de s'exprimer.
« À Izmir, Istanbul et Ankara, nous pouvons encore nous réunir, mais c'est de plus en plus difficile. Nous comptions une trentaine d'associations à travers le pays – la plupart sont aujourd’hui fermées et ne fonctionnent plus », explique une militante LGBTI. Comme tant d'autres, elle n’a pas encore perdu tout espoir.
L'Université technique du Moyen-Orient jouit d'une longue tradition d'indépendance et de promotion de la diversité et de l'intégration. La marche prévue demain sera un test majeur pour l'université et les étudiants qui défileront, et permettra également de mesurer l’impact de la répression en Turquie sur tous les aspects de la vie quotidienne.

Réaction Ukraine : L’attaque menée contre une manifestation LGBTI traduit la passivité de la police face aux violences de l’extrême droite

AMNESTY INTERNATIONAL
RÉACTION

11 mai 2018
AILRC-FR
Ukraine. L’attaque menée contre une manifestation LGBTI traduit la passivité de la police face aux violences de l’extrême droite

Réagissant aux troubles provoqués jeudi 10 mai dans la soirée par des groupes d’extrême droite lors d’une réunion consacrée aux droits des personnes LGBTI organisée à Kiev par Amnesty International, Denis Krivocheïev, directeur adjoint du Bureau régional Europe et Asie centrale de l’organisation, a fait la déclaration suivante :

« Étant donné la passivité dont a fait preuve à plusieurs reprises la police devant de telles attaques, il n’est pas surprenant que des membres des groupes d’extrême droite ukrainiens profitent de l’impunité dont ils jouissent, en s’en prenant régulièrement à des personnes et à des catégories de personnes pour ce qu’elles pensent ou pour ce qu’elles sont. 

« En tolérant de tels agissements, qui, souvent, se traduisent par des violences et font des blessés, et en ne poursuivant pas en justice leurs auteurs, les autorités ukrainiennes font preuve d’un mépris honteux des droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique. »

Complément d’information

Une manifestation ouverte au public et ayant pour thème « L’Offensive contre les droits des personnes LGBTI, forme de censure : l’exemple russe » devait se tenir au Underhub de Kiev, un espace privé, jeudi 10 mai, avec la participation de représentants d’Amnesty International, de Human Rights Watch et de l’association KyivPride.

Une bonne vingtaine de militants d’extrême droite sont arrivés et ont menacé les participants de violences s’ils ne quittaient pas les lieux. L’un des propriétaires de la salle s’est joint à eux, demandant aux organisateurs d’annuler la manifestation et de partir.

Cinq policiers du commissariat du quartier de Petchersk, présents sur les lieux, ont refusé d’intervenir. Il a fallu attendre l’arrivée d’un groupe de policiers des patrouilles municipales, plus d’une heure après, pour que les participants puissent quitter l’endroit en sécurité. Le rassemblement n’a pas pu avoir lieu et la police n’a procédé à aucune arrestation.

L’Ukraine a été le théâtre ces derniers mois d’une trentaine d’attaques au moins de la part de membres de groupes d’extrême droite contre des défenseurs des droits des femmes, des activistes LGBTI, des militants de gauche ou des familles roms. Dans la plupart des cas, les agresseurs ont agi ouvertement et avec une impunité quasi-totale, n’hésitant pas, bien souvent, à se vanter de leurs agissements sur les réseaux sociaux.

Seule l’attaque contre la Fête de l’égalité organisée en septembre 2017 à Zaporijia a donné lieu à une action des pouvoirs publics, les auteurs ayant été arrêtés et traduits en justice.

Si vous souhaitez obtenir de plus amples informations, veuillez contacter :
Maria Gourieva
Attachée de presse
Amnesty International Ukraine
+38 067 328 1038

ou
Alexandre ArtemievResponsable médias pour l’Europe de l'Est et l’Asie centrale
à Amnesty International

+7 917 559 5972

samedi 5 mai 2018

Action urgente Turquie: Les autorités doivent permettre la tenue de la marche des fiertés

EXTERNE SF 18 U 148-EUR 44/8339/2018

AU 83/18 Toulouse, le 4 mai 2018

TURQUIE : LES AUTORITÉS DOIVENT PERMETTRE LA TENUE DE LA MARCHE DES
FIERTÉS

Une Marche des fiertés organisée par des étudiants doit avoir lieu le 12 mai sur le campus de
l'Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ), à Ankara, mais elle risque d'être bloquée par
la préfecture d'Ankara et le recteur de l'université, en violation du droit à la liberté de réunion.
Les autorités doivent permettre la tenue de cette marche et lever l'interdiction générale qui
s’applique à tous les événements LGBTI à Ankara.

La Marche des fiertés, organisée chaque année par des étudiants, doit avoir lieu le 12 mai sur
le campus de l'Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ), à Ankara, mais elle risque
d'être bloquée par la préfecture d'Ankara et l'administration de l'université. Selon l'organisation
étudiante de défense des droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués
(LGBTI) qui organise l'événement, ODTÜ LGBTI Dayanışması, début avril, l'administration de
l'université a informé la préfecture d'Ankara de la tenue du Festival annuel du printemps, qui
se déroule cette année du 9 au 11 mai, et de la Marche des fiertés, prévue le 12 mai. La
préfecture a répondu que le festival et la marche ne pourraient pas avoir lieu en raison du
risque de « provocation ».

Le Festival du printemps est organisé par des groupes étudiants à l'ODTÜ chaque année
depuis 31 ans. Il célèbre les différentes cultures. Depuis sept ans, la Marche des fiertés est
programmée le lendemain de la clôture du festival, avec le soutien de nombreuses
organisations étudiantes. Cette année, les étudiants LGBTI de l'ODTÜ prévoient une semaine
d'événements, notamment une « danse salsa homo » et une peinture collective d'arc-en-ciel,
qui débute le 7 mai.

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