mercredi 7 octobre 2015

Homophobie en Tunisie

©directinfo

Il faut combattre les tabous homophobes en Tunisie 

Par Magdalena Mughrabi, chercheuse sur l’Afrique du Nord à Amnesty International 

La condamnation d'un étudiant de 22 ans à un an de prison pour « relations homosexuelles » aura au moins eu le mérite d'ouvrir enfin le débat sur ce sujet en Tunisie. Lundi 28 septembre 2015, dans une déclaration sans précédent, le ministre de la Justice Mohamed Salah Ben Aissa a appelé publiquement à la dépénalisation des relations homosexuelles. 

Le jeune étudiant, connu sous le pseudonyme de Marwan, a été condamné par un tribunal de Sousse le 23 septembre, après avoir subi un examen anal forcé destiné à « prouver » sa pratique de la sodomie.  

Le 6 septembre 2015, Marwan avait été convoqué par la police en lien avec le meurtre d'un homme commis à Sousse. Il a nié toute implication dans ce meurtre, mais a reconnu avoir eu des relations sexuelles avec la victime, semble-t-il après que les policiers l'eurent menacé de l'inculper du meurtre. Il a alors été inculpé de « sodomie » en vertu de l'article 230 du Code pénal, qui prévoit pour cette infraction une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison. Ce même article érige aussi en infraction le « lesbianisme », même s'il est rarement utilisé pour arrêter des femmes lesbiennes.  

Les militants LGTBI (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués) de Tunisie se sont vite emparés du cas de Marwan. Ces groupes sont de plus en plus actifs depuis quelques mois, enhardis par l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement de coalition plus progressiste. Ils font campagne contre la criminalisation des relations homosexuelles entre personnes consentantes, soulignant que celle-ci porte atteinte à deux droits fondamentaux garantis par la nouvelle Constitution tunisienne : le droit au respect de la vie privée et le droit de ne pas subir de discrimination.  

Certains groupes ont même lancé une campagne en ligne demandant qu'il ne soit plus pratiqué d'examens anaux forcés – une initiative sans précédent en Tunisie. 

Dans une interview accordée aux médias quelques jours après la condamnation de Marwan, le ministre de la Justice, Mohamed Salah Ben Aissa, a reconnu que l'article 230 violait le droit au respect de la vie privée garanti par la Constitution et devait être abrogé. Les défenseurs des droits humains tunisiens doivent profiter de cette dynamique pour faire évoluer le discours sur l'homosexualité en Tunisie, afin que les paroles se traduisent en actes. 

Malheureusement, le cas de Marwan est loin d’être isolé. Dans le cadre de sa campagne contre les violences sexuelles et la violence liée au genre en Tunisie, Amnesty International a récemment recueilli des informations sur plusieurs cas d'hommes gays ayant été arrêtés, placés en détention et poursuivis entre 2009 et 2014 – sans compter les nombreux autres cas qui, d'après les militants, ne sont pas signalés.  

Des gays tunisiens ont raconté à Amnesty International avoir été interpelés simplement parce qu'ils avaient l'air « efféminés » ou parce qu'on les avait vus parler à un autre homme dans un quartier connu par la police pour être fréquenté par des gays. Comme Marwan, beaucoup ont été arrêtés sans preuves et contraints de subir un examen anal destiné à prouver la sodomie, bien que la fiabilité de ce type d'examen invasif ne soit pas scientifiquement prouvée. Amnesty International considère que les examens anaux forcés constituent une forme de torture ou d'autre mauvais traitement.  

Des personnes transgenres ont également dit à l'organisation qu'elles avaient été arrêtées et poursuivies pour atteinte à la moralité publique simplement parce qu'elles ne se conformaient pas aux stéréotypes de genre et aux normes sociales en vigueur.

Toutefois, les répercussions de ces lois vont bien au-delà du risque permanent d'arrestation et de poursuites. Partout dans le monde, la criminalisation des relations entre personnes de même sexe favorise la violence contre les LGBTI et crée un climat permissif qui les rend vulnérables aux violences policières, ainsi qu'aux actes de harcèlement et d'intimidation au sein de leur famille et de leur milieu de vie. Malheureusement, la Tunisie ne fait pas exception à la règle. 

Amnesty International a rencontré des personnes LGBTI qui avaient reçu des coups de couteau, des coups de pied dans la tête, des brûlures de cigarette et des menaces de mort en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. Or, bien souvent, la police a rejeté ou ignoré leurs plaintes à cause des dispositions de l'article 230. 

Dans certains cas, au lieu de mener une enquête en bonne et due forme sur ces crimes homophobes et transphobes – conformément à leurs obligations aux termes du droit international – les policiers ont ouvertement adressé des avertissements ou des menaces aux victimes (y compris à des lesbiennes) pour les inciter à retirer leur plainte sous peine d'être elles-mêmes poursuivies. Dans d'autre cas, ils ont profité de la peur des poursuites pour soumettre des personnes LGBTI à du chantage, des manœuvres d'extorsion et, parfois, des atteintes sexuelles. Les gays et les personnes transgenres qui ne veulent pas être arrêtés sont souvent obligés de verser des pots-de-vin aux policiers et de leur donner leur téléphone ou d'autres objets de valeur.  

En conséquence, les victimes LGBTI de viol ou d'autres agressions sexuelles sont souvent réticentes à se faire connaître et à signaler ces actes à la police. 

Les lois qui érigent en infraction les relations homosexuelles entre personnes consentantes, en Tunisie ou ailleurs, sont contraires au droit international et aux normes internationales relatifs aux droits humains. 

Avec cette récente ouverture d'un véritable débat public sur les droits des LGBTI, la Tunisie semble enfin faire de petits pas – petits mais essentiels – dans la bonne direction, faisant naître une lueur d'espoir.  

Toutefois, ce n'est qu'en abrogeant l'article 230 du Code pénal et en dépénalisant une bonne fois pour toutes les relations consenties entre personnes de même sexe que les autorités tunisiennes pourront espérer offrir une protection suffisante contre la violence et la discrimination.  Elles doivent immédiatement libérer Marwan et s'engager dans un processus de réforme législative afin que plus personne ne soit arrêté ni poursuivi en raison de son identité de genre ou de son orientation sexuelle.  

Cet article a été publié sur le site du Huffington Post - Maghreb. 

http://www.huffpostmaghreb.com/magdalena-mughrabi/il-faut-combattre-les-tab_b_8226926.html?utm_hp_ref=maghreb

mardi 6 octobre 2015

Rapport sur les crimes de haine en Pologne

Vous pourrez trouver le rapport concernant les crimes de haine en Pologne, comprenant une section sur les crimes homophobes et transphobes, en cliquant ici.

Ce rapport, en Anglais, ne sera hélas pas traduit en Français.

dimanche 27 septembre 2015

Un retour sur la participation d'Amnesty à l'Europride (Riga)


Soutien à l'existrans

Cette année, l'existrans aura lieu le 17 octobre.

Amnesty soutien le communiqué de presse et l'appel à marcher, que vous pourrez trouver ici.

N'hésitez pas à vous joindre à nous pour la marche.

jeudi 17 septembre 2015

Communiqué de Presse, Pologne

 Pologne. Des centaines de victimes de crimes de haine ne sont pas prises en compte

En Pologne, le système législatif n'est pas à la hauteur lorsqu'il s'agit de protéger les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et d'autres groupes minoritaires contre les crimes de haine, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié le 17 septembre, moins de deux mois avant les élections générales.

Ce document, intitulé Targeted by hatred, forgotten by law, montre que la législation sur les crimes de haine exclut des communautés entières, notamment les sans-abri, les personnes souffrant de handicaps et les LGBTI.

« La Pologne dispose d'un système législatif à deux vitesses : il protège certains groupes minoritaires et en laisse d'autres de côté. En Pologne, si vous êtes homosexuel ou lesbienne, si vous souffrez d'un handicap ou êtes un sans-abri et si vous êtes attaqué en raison de votre identité personnelle, la police traitera votre agression comme un crime ordinaire, et non comme un crime de haine. Cette brèche dans la protection de la loi est dangereuse et il convient de la combler », a déclaré Marco Perolini, chercheur sur les discriminations en Europe et Asie centrale pour Amnesty International.

La communauté des LGBTI fait face à une discrimination généralisée et enracinée dans l’ensemble du pays. S'il n'existe pas de chiffres officiels fiables, Campaign against Homophobia, grande organisation polonaise qui défend les droits des LGBTI, a recensé au moins 120 crimes homophobes ou transphobes pour la seule année 2014 – et le chiffre réel est probablement beaucoup plus élevé.

Dans la ville de Szczecin, des membres de la communauté LGBTI ont déclaré vivre dans la peur depuis qu'un homosexuel de 20 ans a été battu à mort à la sortie d'un club gay, en janvier 2014. Son corps a été retrouvé non loin, sur un chantier ; il avait le visage couvert de contusions et le pantalon baissé. Il est en fait mort par noyade, car ses agresseurs lui ont maintenu le visage dans une flaque de manière répétée.

Les autorités n'ont pas pris en compte le fait que cet homicide pouvait avoir été motivé par l'homophobie et le tribunal a jugé cet acte comme un crime ordinaire lorsqu'il a déclaré les deux suspects coupables.

En mai 2015, Dariusz, militant anti-nazi et artiste de rue, a reçu des coups de pied et des crachats alors qu'il se trouvait devant l'une de ses fresques murales représentant un arc-en-ciel, à Zywiec. Son agresseur l'a également insulté : « putain de pédé ». Pourtant, dans le procès-verbal du jugement rendu contre le responsable de ces agissements, ces insultes sont simplement décrites comme « grossières », sans aucune référence à leur caractère homophobe.

Depuis quelques années, on recense également en Pologne des passages à tabac de sans-abri. Bien que l'un des mobiles de ces agressions soit parfois le statut socioéconomique de la victime, elles sont traitées comme des délits ordinaires par la police.

Stanisław, un SDF vivant à Rzeszów, a été roué de coups par des agresseurs qui lui ont ensuite mis le feu, en octobre 2012. Alors qu'ils ont reconnu avoir déjà par le passé agressé des sans-abri par « ennui », leur condamnation ne reflétait pas la gravité de leur mobile.

« Nous saluons les mesures prises par la Pologne pour s'attaquer aux crimes de haine à caractère raciste et xénophobe. Cependant, il est difficile d'accepter que d'autres groupes minoritaires qui vivent eux aussi au quotidien dans la peur et le harcèlement ne se voient pas accorder la même priorité, a déclaré Marco Perolini.

« La Pologne est tenue au titre du droit international de garantir une protection égale contre la discrimination à tous les groupes minoritaires. Le fait que l'État manque à cette obligation est une discrimination en soi. »

Cette lacune en matière de protection se traduit par l'absence de mécanismes institutionnels – procureurs spécialisés ou coordonnateurs au sein de la police – chargés de traiter les agressions motivées par la discrimination fondée sur le handicap, l'orientation sexuelle, l'identité de genre ou le statut économique ou social. En outre, la volonté manque de mettre au point des politiques efficaces visant à prévenir ces crimes de haine, enquêter sur tous les cas recensés et poursuivre en justice les responsables présumés.

L'État n'ayant pas mis en place de recueil systématique des données relatives aux attaques ciblant ces groupes, il n'a aucun moyen de connaître l'ampleur du problème.

Les initiatives visant à réformer le Code pénal sont au point mort, malgré l'examen d'un projet de loi en 2012 portant sur la protection des LGBTI, des personnes souffrant d'un handicap et des personnes âgées contre les crimes de haine. Ce projet s'est heurté à une résistance acharnée de certains groupes de la société polonaise ; en 2015, un député l'a qualifié de tentative visant à « introduire une idéologie déviante du genre qui promeut les pathologies sexuelles ».

La question va sans doute susciter de nouvelles controverses à l'approche des élections générales en Pologne, le 25 octobre.

« La Pologne doit prendre des mesures concrètes afin de veiller à ce que tous les groupes minoritaires bénéficient d'une protection égale de la loi. Le prochain gouvernement et le prochain Parlement doivent faire des droits humains une priorité, avec en tête de liste la suppression de la discrimination. Personne en Pologne ne devrait vivre dans la peur d'être agressé, uniquement en raison de son identité », a déclaré Marco Perolini.

Note aux rédacteurs :

Le rapport sera présenté à l'occasion d'une conférence de presse à Varsovie jeudi 17 septembre à 10 h, au Austriackie Forum Kultury (Próżna street 7/9).

Pour confirmer votre présence à la conférence de presse, recevoir le rapport à l’avance ou prendre rendez-vous pour une interview, veuillez prendre contact avec la personne suivante :

- à Varsovie: Natalia Wegrzyn +48 691 357 935, natalia.wegrzyn@amnesty.org.pl
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- à Londres : Louise Orton, + 44 (0) 20 7413 5562, louise.orton@amnesty.org.

lundi 14 septembre 2015

Tandis que nous glissons vers l'automne...

... il est temps de faire un bref retour, plein de chaleur estivale, sur les marches des fiertés. Amnesty a pu être présente sur 19 marches cette année.

Le bilan des marches peut être trouvé ici:
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mardi 18 août 2015