mercredi 26 novembre 2014

Gambie, communiqué de presse conjoint Amnesty/Human Rights Watch

AMNESTY INTERNATIONAL ET HUMAN RIGHTS WATCH
COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR
21 novembre 2014

Gambie. L'infraction d'« homosexualité aggravée » est passible de la réclusion à perpétuité

L'adoption récente par la Gambie d'une loi homophobe expose les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuelles (LGBTI), déjà victimes de persécutions, à un risque accru de violations, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch vendredi 21 novembre. 

Une nouvelle infraction, dite d'« homosexualité aggravée », passible de peines pouvant aller jusqu'à la réclusion à perpétuité, est prévue dans le Code pénal approuvé par le président Yahya Jammeh le 9 octobre 2014, ainsi que le révèlent des documents ayant émergé il y a quelques jours. Parmi les personnes risquant d'être inculpées d'« homosexualité aggravée » figurent des individus décrits comme des « délinquants récidivistes » et les séropositifs soupçonnés d'être homosexuels. Le droit gambien ne définit pas avec exactitude ce que recouvrent l'« homosexualité » ou un « acte homosexuel ». Il est par conséquent encore plus probable que la Gambie invoque de manière vague et arbitraire les textes érigeant les pratiques homosexuelles en infraction - ce qui est déjà contraire au droit international.

« Cette nouvelle loi traite des comportements sexuels privés entre adultes du même sexe - qui ne devraient pas constituer une infraction - de la même manière que le viol et l'inceste », a déclaré Steve Cockburn, directeur régional adjoint pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale à Amnesty International. 

« Les dispositions vagues et imprécises de cette loi pourraient être utilisées dans le but d'arrêter et d'incarcérer toute personne soupçonnée d'être homosexuelle, et contribuent au fort climat d'hostilité et de peur dans lequel vivent déjà les personnes LGBTI dans ce pays. »  

Les autorités gambiennes n'ont pas reconnu avoir promulgué la loi sur l'« homosexualité aggravée », en dépit de questions répétées lors d'un examen du bilan du pays en matière de droits humains, qui a eu lieu aux Nations unies le 28 octobre. Des lois en vigueur en Gambie pénalisent déjà les relations sexuelles consenties et privées entre personnes du même sexe, en violation du droit international relatif aux droits humains.

L'adoption de cette loi semble relever d'une attaque plus large contre la communauté LGBTI en Gambie. Au moins trois femmes, quatre hommes et un garçon de 17 ans ont été arrêtés entre les 7 et 13 novembre, et menacés de torture en raison de leur orientation sexuelle présumée. Selon un membre de la communauté LGBTI en Gambie, six autres femmes ont été appréhendées les 18 et 19 novembre, et se trouvent toujours en détention.

Les détenus affirment qu'on leur a dit que s'ils n'« avouaient » pas, notamment en donnant des noms, un appareil serait introduit dans leur anus ou leur vagin pour « tester » leur orientation sexuelle. Cette mesure constituerait une violation du droit international, qui interdit formellement la torture et les autres formes de mauvais traitements.

« Arrêter et torturer des personnes sur la base de leur orientation sexuelle est honteux, et inventer de nouvelles infractions passibles de peines encore plus sévères est scandaleux », a déclaré Steve Cockburn. « Non seulement cette nouvelle loi bafoue les obligations de la Gambie en vertu des normes régionales relatives aux droits humains, mais elle est contraire à la Constitution de ce pays, qui dispose que tous les citoyens doivent être égaux devant la loi et à l'abri de la discrimination. »

Le président Jammeh aurait dû user des pouvoirs que lui confère la Constitution pour rejeter cette proposition de loi homophobe, qui a été soumise à l'Assemblée nationale le 25 août, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch. 

« Les déclarations publiques incendiaires du président Jammeh contre les personnes LGBTI ont été traduites en actes par le biais de cette loi odieuse et de la chasse aux sorcières qui a suivi son adoption secrète », a déclaré Monica Tabengwa, spécialiste de l'Afrique à Human Rights Watch. 

« Cette loi et ces pratiques portent atteinte à la résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui condamne les violences visant les personnes LGBTI et exige que les responsables présumés soient traduits en justice. »

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