Pourquoi le mouvement en faveur des droits des personnes transgenres n’attendra plus
Par Lesly Lila, chargée de campagne du programme Genre, sexualité et identité à Amnesty International
Le
31 mars, des militants et des militantes célébreront la Journée
internationale de la visibilité transgenre, l’occasion pour chacun de se
montrer solidaire des personnes et des militants et militantes trans.
Cette année, la journée mettra en lumière le fait qu’en plus de survivre
dans un contexte de transphobie, les personnes trans avancent et
rendent le changement possible ; un sujet porté par des groupes de
campagne comme Trans Student Education Resources, un groupe militant
américain.
Bien qu’il
existe des centaines de journées internationales consacrées à
différentes thématiques essentielles, l’importance de la Journée
internationale de la visibilité transgenre ne peut être sous-estimée.
Nous savons que les personnes transgenres sont en butte à un niveau
disproportionné de harcèlement, de violences et de discrimination. Au
Royaume-Uni, plus d’un tiers des personnes transgenres ont signalé avoir
été victimes de crimes motivés par la haine en 2017.
C’est
pour cette raison qu’il est important que les personnes transgenres et
leurs témoignages soient visibles, et heureusement, c’est en train de se
produire. Comme l’a dit l’actrice Laverne Cox au TIME magazine, «
aujourd’hui, de plus en plus de personnes trans veulent dire ouvertement
"Je suis comme ça". »
Cette
évolution est rendue possible par le militantisme infatigable de
personnes transgenres qui ont refusé d’être marginalisées et réduites au
silence. En conséquence, ces dernières années, certains pays européens
ont commencé à comprendre que leur approche du genre posait problème et
était fondée sur des stéréotypes.
Il
est possible qu’une personne ne s’identifie pas au genre qui lui a été
attribué à la naissance ou aux normes binaires masculines ou féminines,
et ces personnes ne devraient en aucun cas avoir à subir un quelconque
traitement médical ou psychiatrique pour que leur identité soit
acceptée. L’approche actuelle a des conséquences dramatiques pour la
santé et le bien-être des personnes transgenres.
Dans
plusieurs pays d’Europe, l’une des évolutions sur lesquelles les
militants et les militantes ont concentré leurs efforts est la
reconnaissance juridique du genre, principalement la possibilité pour
les personnes trans de demander la reconnaissance de leur genre par
l’État et dans leurs documents d’identité. Dans de nombreux pays, même
lorsqu’il existe une procédure permettant la reconnaissance du genre à
l’état civil, cette procédure est souvent dégradante et impose aux
personnes de se soumettre à un examen psychiatrique établissant un «
trouble mental » et de subir une stérilisation irréversible. C’est tout
simplement scandaleux. L’État n’a aucunement le droit de prendre des
décisions sur le corps et l’identité de quiconque.
Pendant
la majeure partie de sa vie, Jeanette Solstad Remø, une femme
transgenre de Norvège, n’a pas pu faire reconnaître son genre à l’état
civil, car elle refusait de se plier à ces conditions déshumanisantes.
Elle n’a donc pas pu être reconnue comme une femme dans ses documents
d’identité, une expérience humiliante qui l’a forcée à justifier
régulièrement son identité de genre.
Jeanette
Solstad Remø et de nombreuses autres personnes ont lutté pendant des
années pour faire changer cette loi. En 2016, leurs efforts ont été
récompensés lorsque le gouvernement norvégien a adopté une loi
historique permettant aux personnes de choisir elles-mêmes leur genre
sans devoir se plier à des obligations telles que la stérilisation.
«
Je vis les plus belles années de ma vie », déclare Jeanette. « C’est
merveilleux de pouvoir vivre ma vie en étant moi-même. » Elle dit
qu’elle n’est pas la seule : depuis l’adoption de la nouvelle loi, plus
de 800 personnes ont exercé leur droit de choisir elles-mêmes leur
genre.
En Irlande, des
avancées similaires ont été introduites en 2015. Avant cela, il n’était
pas possible de changer de genre à l’état civil. Pour Sara R Phillips,
présidente de l’organisation Transgender Equality Network Ireland, bien
que la nouvelle loi doive être améliorée pour inclure les mineurs et les
personnes non binaires, son importance ne doit pas être sous-estimée : «
Elle encourage la dignité et le respect. L’adoption de la loi permet
d’affirmer clairement que nous sommes tous égaux et que nous comptons. »
D’autres
avancées juridiques ont été obtenues au Danemark, à Malte et en Grèce.
Et le Portugal pourrait être le prochain pays à supprimer le diagnostic
de santé mentale obligatoire pour la reconnaissance du genre à l’état
civil.
Cependant, ces
avancées juridiques restent des exceptions et non pas la norme. La
pathologisation des identités trans et l’idée associée que le fait
d’être trans est un trouble restent monnaie courante. Dans bien trop de
pays, les personnes transgenres doivent subir des traitements médicaux
ou psychologiques pour changer de genre à l’état civil.
«
Forcer quelqu’un à prendre cette décision revient à considérer cette
personne comme inhumaine », a déclaré Sakris Kupila, un étudiant en
médecine et militant des droits humains finlandais de 21 ans qui se bat
pour la modification des lois finlandaises archaïques relatives à la
reconnaissance du genre. Pour les personnes qui ne souhaitent pas subir
ce traitement, « la seule alternative est de vivre dans l’incertitude »,
écrit Sakris Kupila. Sans réforme, les personnes trans restent dans
l’incertitude juridique et le genre auquel elles s’identifient n’est pas
reconnu.
Mais le
mouvement en faveur des droits des personnes trans n’attendra plus. Et,
alors que de plus en plus de personnes se rendent compte que la vision
que la société a du genre est obsolète, nos législateurs ne devraient
plus attendre non plus.
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