dimanche 15 février 2015

Communiqué de Presse Bulgarie



La Bulgarie doit enquêter sur les crimes de haine et poursuivre les responsables afin de mettre un terme au climat de peur

Le manque de détermination dont fait preuve la Bulgarie lorsqu’il s’agit d’enquêter sur les crimes de haine et d’engager des poursuites contre leurs auteurs présumés alimente la peur, la discrimination et au final la violence, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié lundi 9 février 2015. 

Intitulé Missing the point: Lack of adequate investigation of hate crimes in Bulgaria, ce rapport rend compte des graves répercussions des crimes motivés par la haine sur les victimes et souligne le fait que l’inaction des autorités face aux préjugés à l’égard des demandeurs d’asile, des migrants, des musulmans et des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), avive la violence et la discrimination. 

« Des centaines de personnes appartenant à des minorités subissent des crimes de haine et beaucoup d’autres ne font pas confiance aux autorités pour les protéger, a déclaré Marco Perolini, spécialiste des questions de discrimination en Europe au sein d’Amnesty International. Les autorités bulgares doivent prendre fermement position et veiller à faire appliquer les lois nationales et internationales, afin de garantir le respect des droits humains pour tous. »

Crimes de haine racistes et xénophobes
En Bulgarie, la loi permet de poursuivre les auteurs de crimes de haine liés au racisme et à la xénophobie ; toutefois, les autorités s’abstiennent systématiquement de les identifier comme tels et de mener des enquêtes dignes de ce nom sur ces agissements.

Les attaques contre les migrants et les demandeurs d’asile ont connu un pic en 2013, selon le Comité Helsinki de Bulgarie et d’autres organisations locales. Le procureur général adjoint a informé Amnesty International que le bureau du procureur de Sofia avait ouvert 80 instructions pénales concernant des crimes visant des minorités ethniques – notamment des migrants, des demandeurs d’asile, des Roms et des Turcs de souche – entre janvier 2013 et mars 2014. Cependant, les données recueillies ne sont pas exhaustives et ne reflètent pas l’ampleur réelle de ces violences.

Nazir, demandeur d’asile irakien, a été agressé en septembre 2013 par un groupe de huit ou neuf personnes qui avaient des coups-de-poing américains. Il a été hospitalisé pendant neuf jours et a dû subir deux opérations. La police ne s’est pas rendue à l’hôpital pour prendre sa déposition et a ensuite refusé d’enregistrer sa plainte. Selon le témoignage de Nazir, les policiers lui ont conseillé de « déguerpir, sinon ils me renverraient en Irak ». En réponse à une question d’Amnesty International, le ministère de l’Intérieur a déclaré que deux policiers avaient été sanctionnés pour manque de diligence dans cette affaire, à l’issue d’une inspection interne, mais on ignore toujours si une enquête a été ouverte sur l’agression dont a été victime Nazir.

Pour certains crimes, comme le meurtre ou l’agression physique, la motivation raciste ou xénophobe constitue une circonstance aggravante, qui ajoute à la sanction. Cependant, les autorités traitent souvent ces crimes comme relevant de la circonstance aggravante générale de houliganisme, qui, selon les procureurs, est plus facile à démontrer. C’est en partie dû au fait que de nombreux représentants de l’État n’ont pas les connaissances ni l’expérience requises pour mettre les lois existantes en pratique.

« Bien souvent, les autorités ne prennent pas en compte l’aspect discriminatoire du crime, comme les insultes racistes. Le houliganisme, en fait un euphémisme, ne saurait remplacer les inculpations reflétant la réalité des crimes commis, a déclaré Marco Perolini, spécialiste des questions de discrimination en Europe au sein d’Amnesty International. Mettre fin au racisme et à la xénophobie suppose de reconnaître leur existence et de recueillir des informations sur ces phénomènes. » 

Metin, citoyen bulgare d’origine turque, a été violemment agressé par un groupe de skinheads vêtus de noir, au pied d’un immeuble où vivent de nombreux migrants. Son pronostic vital a été engagé, et il a passé plusieurs semaines dans le coma. L’un des agresseurs a crié à un homme qui tentait d’intervenir lorsqu’ils ont essayé de s’introduire par effraction dans l’appartement de Metin, avant l’agression : « Pourquoi défendez-vous les migrants ? Ils tuent des filles bulgares. » La police a appréhendé les suspects sur les lieux et une instruction a été ouverte pour tentative de meurtre motivée par le houliganisme.

Crimes de haine homophobes et transphobes
La législation bulgare ne comprend aucune disposition relative aux crimes de haine ayant des motivations homophobes, qui sont actuellement traités par les autorités comme des actes de « houliganisme ».

En janvier 2014, le gouvernement a proposé un nouveau Code pénal, qui intégrait l’orientation sexuelle comme motivation d’un crime de haine ; cependant, l’adoption de la loi a été suspendue à l’approche des élections parlementaires d’octobre 2014. Le nouveau gouvernement doit encore mettre en œuvre ce changement. 

« En Bulgarie, les violences homophobes et transphobes sont balayées sous le tapis. Les autorités doivent réviser la loi sur les crimes de haine, afin d’inclure tous les motifs de discrimination, afin que les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) puissent vivre sans avoir peur », a déclaré Marco Perolini.

Mihaïl Stoïanov, étudiant de 25 ans, a été assassiné dans un parc de Sofia en 2008, parce que ses agresseurs pensaient qu’il était gay. Durant l’enquête, un homme a témoigné que les deux suspects appartenaient à un groupe qui prétendait « nettoyer » le parc des homosexuels. En raison de lacunes juridiques, en août 2013, le bureau du procureur de Sofia a inculpé les suspects de meurtre commis pour des motifs de houliganisme. Le procureur chargé de l’affaire a déclaré à Amnesty International : « La loi est restrictive et c’est pourquoi je n’ai pas pu prendre en compte la motivation homophobe dans l’acte d’accusation. »

Les obstacles à la justice pour les victimes
La majorité des victimes de crimes de haine ne portent pas plainte auprès des autorités. Certaines expliquent qu’elles sont sûres que la police ne traitera pas correctement leur affaire, tandis que d’autres craignent de subir des discriminations aux mains de la police.

Selon une récente étude menée par l’Union européenne, 86 % des LGBT en Bulgarie qui avaient subi des violences ou des menaces de violence n’avaient pas signalé ces faits à la police. Environ un tiers ont affirmé avoir hésité à  porter plainte parce qu’ils avaient peur des réactions homophobes ou transphobes des policiers bulgares.

Parmi ceux qui dénoncent des crimes de haine, peu obtiennent justice ou des réparations devant les tribunaux. Amnesty International s’est entretenue avec des plaignants qui n’étaient pas informés de leurs droits en tant que victimes, ni de l’évolution de leur affaire, et ce en violation des dispositions du droit bulgare.

Aurore, femme noire française, a été agressée à un arrêt de bus à Sofia par un groupe de sept ou huit hommes. Ils ont imité les cris d’un singe et lui ont donné des coups de pied. Ses agresseurs ont mentionné son appartenance ethnique lors de l’agression, et il ne fait aucun doute qu’elle a été victime d’une agression raciste. Elle n’a jamais été citée à comparaître en tant que victime au tribunal, ni informée de l’audience. Le tribunal a acquitté les suspects de toute responsabilité pénale et les a condamnés à une amende.

Aurore a déclaré à Amnesty International : « Une partie de moi est morte ce jour-là… Surtout en sachant que ces gens s’en sont sortis avec une amende, et que je n’ai pas été informée de l’audience… Je ne veux pas d’argent ni quoi que ce soit, je veux simplement que ces actes soient reconnus et dûment sanctionnés pour que, peut-être, de telles choses ne se produisent plus à l’avenir. »

« Les autorités doivent enquêter, reconnaître et condamner publiquement les crimes de haine afin d’empêcher qu’ils ne se reproduisent, et combattre les préjugés bien ancrés dans la société bulgare », a déclaré Marco Perolini.

Communiqué de press Malaisie

©GT Howe/AP

Malaisie. Le verdict prononcé contre Anwar Ibrahim va avoir un effet néfaste sur la liberté d'expression

La décision d'un tribunal malaisien de déclarer Anwar Ibrahim, dirigeant de l'opposition, coupable de « sodomie » et de le condamner à cinq ans d'emprisonnement constitue un jugement oppressif qui va avoir un effet néfaste sur la liberté d'expression dans le pays, a déclaré Amnesty International. 

Mardi 10 février, la Cour fédérale de Malaisie, plus haute juridiction du pays, a confirmé la décision d'une cour d'appel annulant l'acquittement d'Anwar Ibrahim à la suite de poursuites pour « sodomie » remontant à 2008 et l'a condamné à cinq ans de prison. 

« Ce jugement déplorable est le dernier épisode en date des tentatives incessantes des autorités malaisiennes visant à faire taire les détracteurs du gouvernement. Les accusations de “sodomie” portées contre Anwar Ibrahim ont toujours été motivées par des considérations politiques et il doit être libéré immédiatement, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d'Amnesty International. 

« La justice malaisienne a manqué une occasion de montrer son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Nous considérons Anwar Ibrahim comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. 

« Les tentatives visant à faire taire ce dirigeant de l'opposition s'inscrivent dans une répression généralisée des voix dissidentes en Malaisie. Au cours de l'année écoulée, les autorités ont fait amplement usage de la Loi relative à la sédition, un texte draconien, pour s'en prendre aux journalistes, responsables politiques et universitaires qu'elles trouvent gênants. Cette pratique doit cesser immédiatement. »

samedi 24 janvier 2015

Macédoine. L'interdiction du mariage entre personnes du même sexe renforcera les discriminations

Le premier ministre de la Macédoine, Nikola Gruevski
©gov.mk

AMNESTY INTERNATIONAL
FLASH

AILRC-FR
20 janvier 2015

Macédoine. L'interdiction du mariage entre personnes du même sexe renforcera les discriminations

L'adoption par le Parlement macédonien d'un amendement constitutionnel interdisant le mariage entre personnes du même sexe ne fera qu'accroître les discriminations dans le pays, a déclaré Amnesty International mardi 20 janvier.

Cet amendement, adopté le 20 janvier, définit le mariage uniquement comme l'union d'un homme et d'une femme, ce qui, selon le gouvernement, « affirmera, promouvra et protègera » les fondements traditionnels de la société. Cela revient à interdire le mariage entre personnes du même sexe, ce qui est discriminatoire vis-à-vis des couples homosexuels.

« Le vote du 20 janvier va aggraver les discriminations, les violences et l'intolérance se fondant sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre en Macédoine », a déclaré Gauri van Gulik, directrice adjointe du programme Europe d'Amnesty International.

Une version précédente de cet amendement proposait en outre l'interdiction des unions civiles entre personnes du même sexe, et des autres types de pactes civils. Cette clause a été retirée après que le Conseil de l'Europe l'a déclarée incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Bien que l'interdiction des unions civiles entre personnes du même sexe ne figure pas dans l'amendement tel qu'il a été adopté, les partenariats entre personnes du même sexe ne sont pas reconnus par le droit macédonien à l'heure actuelle. Par ailleurs, la législation contre la discrimination ne prohibe pas les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, ce qui est contraire aux obligations de la Macédoine en matière de droits humains.

« La Macédoine est à contre-courant de la tendance européenne à la légalisation du mariage entre personnes du même sexe et du développement des normes européennes relatives aux droits humains en matière d'égalité », a déclaré Gauri van Gulik.

Douze pays européens ont déjà légalisé le mariage entre personnes du même sexe et une vingtaine autorisent l'enregistrement de partenariats civils.

Amnesty International exhorte la Macédoine à abroger les lois discriminatoires et à veiller à ce que les personnes ayant établi un partenariat entre personnes du même sexe puissent exercer leurs droits fondamentaux sans discrimination.

samedi 10 janvier 2015

Communiqué de presse Irelande

©thejournal.ie

AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR
19 décembre 2014

Irlande. Des personnes transgenres sont lésées par un nouveau projet de loi


L'Irlande doit permettre aux personnes transgenres de faire reconnaître leur genre de manière rapide, transparente et accessible, a déclaré Amnesty International après la publication, vendredi 19 décembre dans ce pays, du projet de loi pour la reconnaissance du genre.

L'organisation a exhorté les autorités irlandaises à lever les restrictions à la reconnaissance du genre des personnes transgenres mariées et des mineurs, et à faire le nécessaire pour que les personnes transgenres puissent légalement faire reconnaître leur genre sans avoir à fournir de certificat médical.

« L'Irlande a laissé passer la chance d'inscrire les droits de toutes les personnes transgenres dans le droit national. D'importantes modifications devront être apportées à ce projet de loi si on entend combattre les discriminations graves dont sont victimes les personnes transgenres », a déclaré Denis Krivosheev, directeur par intérim du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.

« Au lieu de faciliter autant que possible pour l'ensemble des personnes transgenres la reconnaissance légale de leur identité, ce projet lèsera plusieurs groupes - en particulier les personnes qui sont mariées ou ont conclu un partenariat civil, les mineurs, et ceux qui ne souhaitent pas recevoir de traitement médical. »

Le projet de loi dispose que les personnes effectuant une demande afin de changer d'identité de genre ne sont pas autorisées à se marier ni à conclure un partenariat civil. Cela signifie que les personnes transgenres qui sont mariées seront contraintes à divorcer de leur conjoint si elles souhaitent changer leur identité de genre.

Divorcer en Irlande suppose cinq années de séparation préalable - ou deux ans pour les partenariats civils -, ce qui signifie que de nombreuses personnes ne pourront pas prétendre à la reconnaissance de leur identité de genre même si elles sont séparées.

« Ce projet de loi ignore complètement les besoins des personnes qui souhaitent rester mariées, ou qui ont entamé une procédure de divorce, tout en obtenant la reconnaissance de leur genre. C’est une violation de leurs droits fondamentaux », a déclaré Denis Krivosheev.

« Au lieu de cela, le projet de loi force avec cruauté les personnes transgenres à se séparer de leur conjoint - puis à passer des années dans les limbes sans compagnon ni reconnaissance légale de leur identité. Leur seule solution est de sacrifier leur identité de genre afin de rester en couple. »

Amnesty International déplore par ailleurs que le projet de loi exige qu'un certificat médical soit établi par le psychiatre ou l'endocrinologue de la personne effectuant une demande, comme preuve que celle-ci est en transition ou a terminé sa transition.

« Exiger l'obtention d'un "certificat" peut donner lieu non seulement à la stigmatisation des personnes transgenres, mais également à la nécessité de recevoir des traitements de santé que des personnes transgenres ne souhaitent peut-être pas subir et qui ne sont pas requises d'un point de vue médical », a déclaré Denis Krivosheev.

Le projet de loi dispose par ailleurs que les jeunes de 16 et 17 ans doivent obtenir une décision de justice afin de pouvoir faire légalement reconnaître leur genre.

« Plutôt que de fixer un âge minimum pour tous, il convient de privilégier une démarche au cas par cas en ce qui concerne les mineurs, dans le cadre de laquelle l'opinion de ceux-ci et leur intérêt supérieur sont pris en compte, ainsi que l'énonce le Comité des droits de l’enfant des Nations unies », a déclaré Denis Krivosheev.

« Le projet de loi irlandais sur la reconnaissance du genre est un texte bienvenu, mais des modifications doivent y être apportées pour qu'il puisse donner sa pleine mesure, et devienne une initiative réellement progressive de la part des autorités. »

lundi 1 décembre 2014

Action Urgente Gambie

GAMBIE : PREMIÈRES ARRESTATIONS DEPUIS LA NOUVELLE LOI HOMOPHOBE

Une loi introduisant d'éventuelles peines de réclusion à perpétuité pour l'infraction d'« homosexualité aggravée » a été promulguée le 9 octobre en Gambie. Depuis deux semaines, l'Agence nationale de renseignement (NIA) et la garde présidentielle ont arrêté quatre hommes, un adolescent de 17 ans et trois femmes soupçonnés d'« homosexualité ». Six autres femmes auraient été arrêtées le 18 novembre. Ces personnes pourraient être condamnées à la réclusion à perpétuité. Amnesty International considère les personnes détenues uniquement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre comme des prisonniers d’opinion.

Quatre hommes, un adolescent et trois femmes ont été arrêtés entre le 7 et le 13 novembre en Sénégambie, bande côtière située au sud de Banjul. Ils ont tous été placés en détention au siège de la NIA, à Banjul. On leur a signifié qu'ils faisaient l'objet d'une information judiciaire pour « homosexualité » mais ils n'ont pas été inculpés. Ils ont subi des actes de torture et d'autres mauvais traitements visant à leur faire « avouer » leurs prétendus crimes et révéler des renseignements sur d'autres personnes considérées comme gays ou lesbiennes. La NIA les a soumis à des passages à tabac et à une privation sensorielle et les a menacés de viol. Les détenus ont été informés que, s'ils n'« avouaient » pas, un appareil serait introduit dans leur anus ou leur vagin pour « tester » leur orientation sexuelle. Bien que les trois femmes concernées aient été libérées le 13 novembre, elles font toujours l'objet d'une information judiciaire ; la NIA a saisi leurs cartes d'identité et leur a ordonné de ne pas quitter le territoire. Les quatre hommes et l'adolescent sont toujours détenus au secret. Six autres femmes auraient été arrêtées entre le 18 et le 19 novembre.


La Loi de 2014 portant modification du Code pénal a été promulguée le 9 octobre. Elle introduit l'infraction d'« homosexualité aggravée », passible de la réclusion à perpétuité.

Pour plus de détails concernant cette action, pour agir, cliquer ici

mercredi 26 novembre 2014

Gambie, communiqué de presse conjoint Amnesty/Human Rights Watch

AMNESTY INTERNATIONAL ET HUMAN RIGHTS WATCH
COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR
21 novembre 2014

Gambie. L'infraction d'« homosexualité aggravée » est passible de la réclusion à perpétuité

L'adoption récente par la Gambie d'une loi homophobe expose les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuelles (LGBTI), déjà victimes de persécutions, à un risque accru de violations, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch vendredi 21 novembre. 

Une nouvelle infraction, dite d'« homosexualité aggravée », passible de peines pouvant aller jusqu'à la réclusion à perpétuité, est prévue dans le Code pénal approuvé par le président Yahya Jammeh le 9 octobre 2014, ainsi que le révèlent des documents ayant émergé il y a quelques jours. Parmi les personnes risquant d'être inculpées d'« homosexualité aggravée » figurent des individus décrits comme des « délinquants récidivistes » et les séropositifs soupçonnés d'être homosexuels. Le droit gambien ne définit pas avec exactitude ce que recouvrent l'« homosexualité » ou un « acte homosexuel ». Il est par conséquent encore plus probable que la Gambie invoque de manière vague et arbitraire les textes érigeant les pratiques homosexuelles en infraction - ce qui est déjà contraire au droit international.

« Cette nouvelle loi traite des comportements sexuels privés entre adultes du même sexe - qui ne devraient pas constituer une infraction - de la même manière que le viol et l'inceste », a déclaré Steve Cockburn, directeur régional adjoint pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale à Amnesty International. 

« Les dispositions vagues et imprécises de cette loi pourraient être utilisées dans le but d'arrêter et d'incarcérer toute personne soupçonnée d'être homosexuelle, et contribuent au fort climat d'hostilité et de peur dans lequel vivent déjà les personnes LGBTI dans ce pays. »  

Les autorités gambiennes n'ont pas reconnu avoir promulgué la loi sur l'« homosexualité aggravée », en dépit de questions répétées lors d'un examen du bilan du pays en matière de droits humains, qui a eu lieu aux Nations unies le 28 octobre. Des lois en vigueur en Gambie pénalisent déjà les relations sexuelles consenties et privées entre personnes du même sexe, en violation du droit international relatif aux droits humains.

L'adoption de cette loi semble relever d'une attaque plus large contre la communauté LGBTI en Gambie. Au moins trois femmes, quatre hommes et un garçon de 17 ans ont été arrêtés entre les 7 et 13 novembre, et menacés de torture en raison de leur orientation sexuelle présumée. Selon un membre de la communauté LGBTI en Gambie, six autres femmes ont été appréhendées les 18 et 19 novembre, et se trouvent toujours en détention.

Les détenus affirment qu'on leur a dit que s'ils n'« avouaient » pas, notamment en donnant des noms, un appareil serait introduit dans leur anus ou leur vagin pour « tester » leur orientation sexuelle. Cette mesure constituerait une violation du droit international, qui interdit formellement la torture et les autres formes de mauvais traitements.

« Arrêter et torturer des personnes sur la base de leur orientation sexuelle est honteux, et inventer de nouvelles infractions passibles de peines encore plus sévères est scandaleux », a déclaré Steve Cockburn. « Non seulement cette nouvelle loi bafoue les obligations de la Gambie en vertu des normes régionales relatives aux droits humains, mais elle est contraire à la Constitution de ce pays, qui dispose que tous les citoyens doivent être égaux devant la loi et à l'abri de la discrimination. »

Le président Jammeh aurait dû user des pouvoirs que lui confère la Constitution pour rejeter cette proposition de loi homophobe, qui a été soumise à l'Assemblée nationale le 25 août, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch. 

« Les déclarations publiques incendiaires du président Jammeh contre les personnes LGBTI ont été traduites en actes par le biais de cette loi odieuse et de la chasse aux sorcières qui a suivi son adoption secrète », a déclaré Monica Tabengwa, spécialiste de l'Afrique à Human Rights Watch. 

« Cette loi et ces pratiques portent atteinte à la résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui condamne les violences visant les personnes LGBTI et exige que les responsables présumés soient traduits en justice. »

lundi 24 novembre 2014

Communiqué de presse Gambie


Gambian President Yahya Jammeh © APGraphicsBank

AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUE DE PRESSE

Le 18 novembre 2014
 

Gambie. L’État doit mettre fin à la vague d’arrestations et d’actes de torture homophobes 


L’arrestation, la détention et les actes de torture infligés à huit personnes depuis le début du mois de novembre dans le cadre de la répression de l’« homosexualité » par les autorités gambiennes révèle l’ampleur choquante de l’homophobie encouragée par l’État, a déclaré Amnesty International.

« Ces arrestations ont eu lieu à un moment où le climat de peur dans lequel vivent les personnes considérées comme ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre différente s’intensifie  », a déclaré Steve Cockburn, directeur régional adjoint d’Amnesty International pour l’Afrique occidentale et centrale.

« Cette répression inacceptable révèle l’ampleur de l’homophobie encouragée par l’État en Gambie. Les manœuvres d’intimidation, le harcèlement et toute arrestation fondée uniquement sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre constituent des violations manifestes des droits international et régional relatifs aux droits humains. Les autorités gambiennes doivent mettre fin immédiatement à ces attaques homophobes.  »

Amnesty International considère les personnes arrêtées et détenues uniquement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre comme des prisonniers d’opinion. Celles-ci doivent être remises en liberté immédiatement et sans condition.

Depuis le 7 novembre, l’Agence nationale de renseignement (NIA) et la garde présidentielle mènent une opération homophobe qui a déjà conduit à l’arrestation de quatre hommes, d’un adolescent de 17 ans et de trois femmes.

Toutes les personnes arrêtées ont été emmenées et placées en détention au quartier général de la NIA à Banjul, la capitale. Elles ont été informées qu’elles faisaient l’objet d’une information judiciaire pour « homosexualité » mais n’ont pas été inculpées. Elles ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements visant à leur faire « avouer » leurs prétendus crimes et révéler des renseignements sur d’autres personnes considérées comme gays ou lesbiennes.

Afin d’obtenir des informations, la NIA utilise plusieurs méthodes comme les passages à tabac, la privation sensorielle et les menaces de viol. Les détenus ont été informés que, s’ils n’« avouaient » pas, un appareil serait introduit dans leur anus ou leur vagin pour « tester » leur orientation sexuelle.

«  Il est véritablement choquant de recourir à la torture contre les personnes arrêtées et de les menacer d’en faire usage, mais ce n’est malheureusement pas surprenant. Quelques semaines seulement après que la Gambie a refusé que des observateurs des Nations unies chargés des droits humains visitent ses prisons, nous avons de nouvelles preuves des atrocités infligées à des victimes par les forces de sécurité – cette fois pour la simple raison que ces personnes sont considérées comme différentes  », a déclaré Steve Cockburn.

Bien que les trois femmes concernées aient été libérées le 13 novembre, elles font toujours l’objet d’une information judiciaire ; la NIA a saisi leurs cartes d’identité et leur a ordonné de ne pas quitter le territoire.

Quant aux quatre hommes et à l’adolescent de 17 ans, ils sont encore détenus au secret et privés d’avocat, malgré les garanties constitutionnelles qui interdisent d’inculper une personne au-delà de 72 heures après son arrestation.

« La Gambie bafoue non seulement les droits régional et international relatifs aux droits humains en se livrant à ces persécutions, mais aussi sa propre Constitution », a déclaré Steve Cockburn.

La NIA serait en train de dresser une liste de personnes à arrêter. Plusieurs hommes et femmes sont parvenus à s’enfuir car des proches les avaient prévenus que les forces de sécurité voulaient s’en prendre à eux. Une jeune femme qui s’est réfugiée récemment au Sénégal a indiqué à Amnesty International que plusieurs agents de la sécurité civile s’étaient rendus à son domicile le 12 novembre pour demander où elle se trouvait.

« Ils ont menacé d’enfoncer les portes. Ne m’ayant pas trouvée, ils ont aussi menacé d’arrêter un membre de ma famille. Ils ont finalement quitté les lieux en promettant de me tuer si jamais ils me trouvaient », a-t-elle déclaré à Amnesty International.

Complément d’information

La répression que les autorités gambiennes mènent à l’heure actuelle contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelle ou supposée, intervient quelques mois seulement après une décision capitale de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples – dont, ironie du sort, le siège se trouve à Banjul. Dans sa résolution, celle-ci condamne les persécutions que des acteurs étatiques et non étatiques infligent à des lesbiennes, des gays, ainsi que des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI).

La vague d’arrestations homophobes survient également quelques mois après que l’Assemblée nationale gambienne a adopté un projet de loi homophobe créant l’infraction d’« homosexualité aggravée », qui est passible de la réclusion à perpétuité. On ignore si ce texte a reçu l’assentiment du Président, nécessaire à son entrée en vigueur. Les relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe constituent déjà un crime en Gambie, ce qui est contraire au droit international relatif aux droits humains.

En outre, les autorités gambiennes continuent de publier des déclarations qui mettent à mal les droits des LGBTI. En octobre, le président Jammeh a ainsi décrit l’« homosexualité » comme un « comportement satanique » et, en septembre, un cadre du parti au pouvoir, l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotiques (APRC), a déclaré dans une interview accordée à un journal : « Il faut tuer les homosexuels parce que ce sont des ennemis de l’humanité. »