Ouganda. Il faut enquêter sur les cambriolages qui visent les bureaux
d'organisations
Ces attaques en série indiquent que les auteurs agissent en toute impunité
Kampala, 13 juin 2016 – Les Forces de police ougandaises (UPF) doivent
mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie et transparente sur
une série d'attaques visant des organisations non gouvernementales (ONG) et
des défenseurs des droits humains ougandais et amener les responsables
présumés à rendre des comptes, ont déclaré 31 organisations ougandaises et
internationales de défense des droits humains dans une lettre adressée à
l'inspecteur général de la police. Au regard de la gravité d'une récente
attaque, au cours de laquelle un agent de sécurité a été battu à mort, il
est urgent de prendre des mesures, d'autant que personne n'a été tenu pour
responsable.
Entre avril et mai 2016, des cambrioleurs se sont introduits dans les
locaux d'au moins trois organisations à Kampala – le Forum des éducatrices
africaines (FAWE), le Forum de sensibilisation et de promotion des droits
humains (HRAPF), et le Réseau des droits humains pour les
journalistes-Ouganda (HRNJ-Ouganda). Ces cambriolages font suite à une
vingtaine d'autres qui ont ciblé les bureaux d'ONG depuis 2012.
L'inspecteur général de la police a mis sur pied une équipe de huit
policiers chargés d'enquêter sur ces affaires en juillet 2014, mais
personne n'a encore été traduit en justice.
« L'absence d'obligation de rendre des comptes pour ces attaques visant des
ONG a généré un climat dans lequel les assaillants sont allés jusqu'à tuer
un agent de sécurité pour parvenir à leurs fins, a déclaré Maria Burnett,
chercheuse sur l'Afrique à Human Rights Watch. Les Forces de police
ougandaises doivent se montrer à la hauteur de leur mission et enquêter
activement sur ces affaires afin de déférer les responsables présumés à la
justice. »
Au Forum de sensibilisation et de promotion des droits humains (HRAPF), les
cambrioleurs ont battu à mort l'agent de sécurité Emmanuel Arituha, saccagé
les bureaux du directeur et de son adjoint, et dérobé des documents et un
écran de télévision. En revanche, ils n'ont pas pris les ordinateurs, les
portables ni les équipements électroniques. Ses collègues évoquent Emmanuel
Arituha en parlant d'un homme « toujours souriant et très impliqué dans son
travail ». Il a été tué alors qu'il contribuait à payer les frais de
scolarité de ses deux plus jeunes frères et sœurs.
Au Forum des éducatrices africaines (FAWE), les cambrioleurs ont volé un
serveur, des ordinateurs portables et de bureau, des caméras et des
projecteurs. Sur les images vidéos enregistrées dans les locaux du Réseau
des droits humains pour les journalistes-Ouganda (HRNJ-Ouganda), on peut
voir un visiteur donner un plat contenant des sédatifs aux agents de
sécurité, laissant la voie libre à quatre individus pour fouiller les
locaux une fois les gardiens endormis. Plus de deux semaines après la
dernière attaque, la police n'a procédé à aucune arrestation.
Les organisations dont les bureaux ont été visités en 2014 incluent le
Réseau des droits de l'homme-Ouganda, la Coalition anti-corruption en
Ouganda, l'Uganda Land Alliance, le Groupe d'action pour la santé, les
droits humains et le VIH/SIDA, et Lira NGO Forum. Ces organisations sont
bien connues pour leur travail sur des sujets sensibles – notamment la
corruption, les droits à la terre, la liberté d'expression et les droits
des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI) – et
pour leur critique des politiques gouvernementales.
Lors d'une attaque contre les locaux de l'Uganda Land Alliance en juillet
2015, un autre agent de sécurité, Richard Oketch, avait été battu à mort.
Personne n’a été arrêté pour ce meurtre.
Chaque incident a été signalé à la police en temps voulu, mais l'enquête et
le recueil d'éléments de preuve (déclarations de témoins, preuves ADN et
images de vidéosurveillance notamment) ont été limités et ont manqué de
suivi. Dans certains cas, la police ne donnait pas suite aux plaintes et,
le plus souvent, ne livrait pas d'informations substantielles sur le
déroulement des enquêtes.
« Les défenseurs des droits humains travaillent déjà dans un environnement
difficile et souvent répressif en Ouganda, a déclaré Adrian Jjuuko,
directeur exécutif du HRAPF. Nous sommes déterminés à poursuivre notre
travail pour la population ougandaise, mais nous avons besoin que la police
prenne en compte ces menaces qui visent nos biens, notre sécurité physique
et même nos vies. »
En tant qu'État partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
l’Ouganda est tenu de garantir le droit à la vie et le droit à la liberté
et à la sécurité de tous, ainsi que le droit à la liberté d'association,
droits gravement piétinés lorsque les organisations ne peuvent pas faire
leur travail dans un environnement sûr. La Déclaration des Nations unies
sur les défenseurs des droits de l’homme dispose que les États doivent
prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités
compétentes « protègent toute personne [...] de toute violence, menace,
représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action
arbitraire » dans le cadre de leur travail de défense des droits humains.
Les organisations signataires de la lettre ont demandé à l'inspecteur
général de la police de clarifier les mesures prises par la police pour
enquêter sur les derniers cambriolages, et sur la précédente vague en 2014.
Elles lui demandent également de préciser comment la police compte protéger
les défenseurs des droits humains, notamment les membres du HRAPF et
d'autres ONG dont les bureaux ont été visités, contre de nouveaux actes de
violence.
« Au regard de l'absence d'obligation de rendre des comptes et de
l'impunité persistante pour les attaques ciblant des défenseurs et leurs
bureaux, cela revient à dire que les autorités cautionnent et tolèrent de
tels actes, a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe pour l'Afrique de
l'Est, la Corne de l'Afrique et la région des Grands Lacs à Amnesty
International. Mettre fin à l'impunité est essentiel pour protéger et
assurer un environnement sûr et constructif pour les défenseurs des droits
humains. »
Parmi les signataires de la lettre figurent notamment :
Amnesty International Kenya
Centre for Human Rights, Université de Pretoria (Afrique du Sud)
Chapter Four Uganda, Ouganda
COC-Netherlands, Pays-Bas
Commonwealth Human Rights Initiative, New Delhi
Community Development and Child Welfare Initiatives (CODI) Uganda, Ouganda
Projet Défenseurs de l'Est et de la Corne de l'Afrique (EHAHRDP)/Defend
Defenders, Ouganda
FOKUS – Forum for Women and Development, Norvège
Foundation for Human Rights Initiative, Ouganda
Freedom House, Etats-Unis
FRI - Organisation norvégienne pour la diversité sexuelle et de genre,
Norvège
Health GAP, Etats-Unis
Human Dignity Trust, Royaume-Uni
Forum de sensibilisation et de promotion des droits humains (HRAPF),
Ouganda
Réseau des droits humains pour les journalistes, Ouganda
Réseau des droits de l'homme, Ouganda
Human Rights Watch, Etats-Unis
Icebreakers, Ouganda
Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transexuels et
intersexués (ILGA), Suisse
Initiative for Social and Economic Rights (ISER), Ouganda
Legal Aid Service Providers Network-Laspnet, Ouganda
NGO Forum, Ouganda
Pan Africa ILGA, Afrique du Sud
Robert F. Kennedy Human Rights, Etats-Unis
Sexual Minorities Uganda (SMUG), Ouganda
The African Centre for Treatment and Rehabilitation of Torture Victims
(ACTV), Ouganda
The National Coalition on HRDs, Ouganda
Uganda Land Alliance, Ouganda
Uganda Network of AIDS Service Organisations (UNASO), Ouganda
UHAI-EASHRI, Kenya
Unwanted Witness, Ouganda
vendredi 17 juin 2016
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire