Les gouvernements de par le monde doivent de toute
urgence fournir une meilleure protection aux femmes et filles réfugiées, ainsi
qu'aux personnes LGBTI réfugiées (lesbiennes, gays et personnes bisexuelles,
transgenres et intersexuées), qui sont en butte à de nombreuses violences
sexuelles et liées au genre à chaque étape de leur périple, a déclaré Amnesty
International vendredi 25 novembre 2016 à l'occasion du lancement de la
campagne internationale Seize jours
d’action contre la violence liée au genre.
« Imaginez : vous vivez dans un camp de
réfugiés, où vous avez trop peur pour aller aux toilettes et où vous êtes
victime de harcèlement sexuel chaque jour dans le pays d'accueil en raison de
votre genre ou de votre identité. Cette réalité terrifiante, c'est celle que
vivent à travers le monde des centaines de milliers de réfugiées, femmes,
filles et personnes LGBTI, et l'inaction des gouvernements des pays riches la
fait perdurer, a déclaré Catherine Murphy, directrice par intérim du programme
Genre, sexualité et identité à Amnesty International.
« Pour marquer le début de la campagne annuelle Seize jours d’action contre la violence liée
au genre, nous exhortons les gouvernements du monde entier à mettre en
œuvre leurs obligations légales afin d'éliminer les violences fondées sur le
genre. Pour cela, ils doivent prendre des mesures ciblées, notamment garantir
que la police assure un environnement sûr et confidentiel aux réfugiées, pour
qu'elles puissent signaler de tels actes de violence.
« Il est vital également que la communauté
internationale se mobilise afin de partager la responsabilité en matière de
protection des réfugiés, en augmentant de manière significative le nombre de
places de réinstallation offertes à ceux qui ont un besoin criant de
protection. La pauvreté et l'insécurité dans lesquelles de nombreuses personnes
réfugiées se retrouvent dans des pays comme le Liban et la Libye accroissent le
risque d'exploitation sexuelle et de violence fondée sur le genre. »
Seize
jours d’action contre la violence liée au genre
est une campagne mondiale, coordonnée par le Center for Women's Global
Leadership, qui a pour but de sensibiliser aux violences faites aux femmes et
aux filles. Elle est l'occasion de mettre en œuvre la solidarité internationale
dans la lutte pour mettre un terme aux violences faites aux femmes.
De dangereux périples
Les réfugiés et les migrants en transit sont particulièrement
exposés aux violations de leurs droits, notamment aux violences et à la traite
des êtres humains. Les femmes, les filles et les personnes LGBTI sont en butte
à des menaces spécifiques comme le harcèlement sexuel, le viol et d'autres
formes de violence liée au genre, ce qui renforce la nécessité d'établir des
itinéraires sûrs et légaux.
En 2016, des réfugiées et des migrantes d'Afrique
subsaharienne qui étaient passées par la Libye ont raconté à Amnesty
International que le viol était tellement courant
lors des voyages aux mains des passeurs qu’elles avaient pris des pilules
contraceptives avant de partir pour ne pas risquer de tomber enceintes si elles
se faisaient violer.
En outre, on constate que la violence liée au genre est de
plus en plus l’une des causes qui contraignent les femmes et les personnes
LGTBI à fuir leurs pays d'origine en quête de protection dans d'autres États.
Patricia* [son nom a été modifié], femme transgenre de 32 ans, a raconté à
Amnesty International le harcèlement et la persécution qu'elle a subis au
Salvador :
« Des policiers m'ont suivie, m'ont extorqué de
l'argent, et m'ont harcelée et frappée. Ils disaient qu'ils ne m'aimaient pas à
cause de " ce que je suis ". J'ai aussi été menacée par des
bandes criminelles – chaque mois ils me demandaient un " loyer ",
mais je n'avais pas les moyens d'en régler la totalité. Je pense que j'ai été
menacée par discrimination ou homophobie, à cause de mon identité. J'ai bien
songé à aller voir les autorités, mais j'ai réalisé que c'était les mêmes
personnes que celles qui me harcelaient. »
Craignant pour sa sécurité, Patricia a décidé de partir
au Mexique, mais a été expulsée au bout de quelques mois, durant lesquels elle
a été frappée et dévalisée à deux reprises.
Amnesty International dénonce le fait que les femmes, les
filles et les personnes LGBTI réfugiées qui fuient des violences extrêmes dans
les pays du « Triangle nord » de l'Amérique centrale (Guatemala,
Salvador et Honduras) sont exposées aux violences fondées sur le genre à la
fois dans leurs pays d'origine et dans les pays de transit. Des pays d'accueil
comme le Mexique ne leur offrent pas une protection adéquate : en 2015,
98 % des migrants originaires d'Amérique centrale arrêtés par les
autorités mexicaines en tant que clandestins ont été renvoyés dans leurs pays
d'origine.
Absence de protections juridiques
Partout dans le monde, des femmes et des filles réfugiées
sans papiers en règle se retrouvent confrontées au même dilemme : ne pas
signaler les crimes dont elles sont victimes, ou dénoncer ces crimes et risquer
d’être détenues, expulsées ou sanctionnées parce qu'elles n'ont pas de permis
de séjour valides.
Maryam* [son nom a été modifié], une Syrienne originaire
de Homs arrivée au Liban en 2013, a déclaré à Amnesty International que des
policiers passaient souvent à la maison qu'elle louait avec des femmes de sa
famille et menaçaient de les jeter en prison si elles refusaient de « sortir »
avec eux. Elle a déclaré :
« Le harcèlement [des réfugiées] est un gros
problème au Liban. Peu importe que je sois célibataire ou mariée, je suis sans
cesse harcelée. C'est pourquoi nous avons peur pour nos enfants. J'ai une fille
de 16 ans et je n'ose même pas l'envoyer à la boutique toute proche. »
Cette année, Amnesty International demande à ses
sympathisants d'envoyer des messages de solidarité à un groupe de femmes
yézidies originaires du nord de l'Irak qui ont dû fuir en août 2014, lorsque le
groupe armé se désignant sous le nom d'État islamique (EI) a envahi la région
et lancé une campagne systématique de nettoyage ethnique. Elles sont restées
bloquées en Grèce, dans des conditions très difficiles.
Pendant plus de cinq mois, elles ont séjourné au camp de
Nea Kavala, où les conditions sont déplorables : peu d'éclairage, pas de
toilettes ni de douches sûres et séparées, et aucun mécanisme permettant de
signaler des actes de harcèlement sexuel. Ne se sentant pas du tout en sécurité
dans ce camp, ces femmes ont constitué un « cercle de protection »
pour veiller les unes sur les autres, en l'absence de protection des autorités.
Ce groupe a depuis déménagé dans un autre camp.
« La Grèce et les pays qui accueillent des réfugiés
doivent agir sans délai pour améliorer les conditions d'accueil de ceux qui
restent bloqués dans le pays, notamment en prenant des mesures adaptées pour
assurer la sécurité des femmes et des filles réfugiées, a déclaré Catherine
Murphy.
« Minimum absolu, les femmes, les jeunes filles et
les personnes LGBTI doivent avoir accès en toute sécurité à des toilettes et à
des lieux pour dormir, ainsi qu'à des services et des soins de santé pour
celles qui ont subi des violences liées au genre. »
Complément d'information
Les violences liées au genre sont des violences commises
contre une personne en raison de son genre. Elles peuvent viser des femmes et
des filles, mais aussi d'autres personnes en raison de leur orientation
sexuelle ou de leur identité ou expression de genre réelle ou supposée, ainsi
que des hommes du fait d'attitudes discriminatoires vis-à-vis de ce qui
constitue la « masculinité ».
Les déplacements forcés ont atteint un niveau record en
2015. Environ 10,5 millions de femmes et de filles réfugiées étaient
enregistrées à la fin de l'année.
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