lundi 7 novembre 2016

Déclaration publique Indonésie

Indonésie. La criminalisation des relations intimes ou sexuelles librement consenties au sein des couples non mariés en Aceh doit cesser

AMNESTY INTERNATIONAL
DÉCLARATION PUBLIQUE
Index : ASA 21/5039/2016
27 octobre 2016

Indonésie. La criminalisation des relations intimes ou sexuelles librement consenties au sein des couples non mariés en Aceh doit cesser 
Amnesty International et l’Institute for Criminal Justice Reform (ICJR) sont très préoccupés par le Code pénal islamique de l’Aceh (Qanun Jinayat), qui est entré en vigueur dans cette province il y a un an. Ce texte rend passibles de poursuites pénales les relations sexuelles entre adultes consentants et étend le champ d’application des peines de fustigation. Nos deux organisations appellent les autorités indonésiennes à respecter leurs engagements internationaux en matière de droits humains, qui les obligent à mettre fin aux peines de fustigation et à abroger les dispositions du Code pénal islamique de l’Aceh qui ne sont pas conformes au droit international.

Aux termes de ce règlement provincial datant de 2014, les relations intimes ou sexuelles librement consenties au sein des couples non mariés, entre adultes consentants en dehors du mariage et entre personnes du même sexe sont devenues des infractions pénales. Dans certains cas, la législation prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 200 coups de bâton.

Le 17 octobre, sept hommes et six femmes ont reçu entre neuf et 25 coups de bâton à la mosquée Al Ikhlas, dans le village de Gampong Keuramat, qui fait partie du sous-district de Kuta Alam, à Banda Aceh, dans la province indonésienne de l’Aceh (Nanggroe Aceh Darussalam), pour avoir enfreint le règlement islamique interdisant de se trouver seul-e avec une personne du sexe opposé qui n’est ni un conjoint ni un membre de la famille (khalwat) et d’avoir des relations sexuelles en dehors du mariage (ikhtilath). Une femme enceinte condamnée à la fustigation ne se verra infliger sa peine qu’après avoir donné naissance à son enfant. Nos deux organisations engagent les autorités de l’Aceh à annuler sa condamnation immédiatement. 

Les peines de fustigation sont contraires à la Constitution indonésienne et violent de toute évidence le droit international et les normes internationales en matière de droits humains. Ces peines cruelles, inhumaines et dégradantes, qui peuvent s’apparenter à de la torture, constituent des violations de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels l’Indonésie est partie. 

Amnesty International et l’ICJR sont également préoccupés par l’importance excessive accordée par les autorités à l’application des peines et à l’exemple « moral » invoqué pour justifier la fustigation publique des personnes condamnées. La fustigation peut nuire à la santé physique et mentale, provoquer des douleurs permanentes ou entraîner des lésions irréversibles. En Aceh, les peines de ce type sont toujours infligées en public et attirent les foules et l’attention des médias. Les personnes qui y sont soumises peuvent aussi souffrir de détresse psychologique en raison de la douleur, de la peur et de l’humiliation. Les autorités provinciales et nationales doivent prendre des mesures concrètes afin de mettre un terme aux châtiments corporels et d'abroger les dispositions de la législation de l'Aceh autorisant le recours à ces châtiments dans le cadre judiciaire.

De plus, les relations sexuelles entre adultes consentants ne doivent pas être traitées comme des infractions pénales et ne sont pas des crimes contre la « moralité ». Le Comité des droits de l'homme et d'autres organes des Nations unies chargés des droits humains ont exprimé leur inquiétude quant aux lois criminalisant l'« adultère » ou d'autres relations sexuelles entre personnes consentantes en dehors du mariage, car elles constituent une violation du droit au respect de la vie privée.  Nos deux organisations demandent aux autorités indonésiennes d’abroger les dispositions rendant passibles de poursuites pénales les relations sexuelles et intimes librement consenties en dehors du mariage.

Complément d’information

Le Code pénal islamique de l'Aceh, règlement provincial basé sur la charia (loi islamique), a été adopté par le Parlement de cette province le 27 septembre 2014 et est entré en vigueur le 23 octobre 2015. Il prévoit des peines de fustigation allant jusqu’à 100 coups de bâton pour les relations sexuelles entre personnes du même sexe, avant le mariage ou en dehors du mariage (désignées par le terme zina, qui signifie « adultère »), la consommation d’alcool (khamar), les jeux d’argent (maisir), le fait de se trouver seul-e avec une personne du sexe opposé qui n’est ni un conjoint, ni un membre de la famille (khalwat), les relations intimes en dehors du mariage (ikhtilath), les violences sexuelles, le viol, le fait d’accuser une personne d’adultère sans présenter quatre témoignages à l’appui et les relations intimes au sein des couples non mariés. 

La province de l’Aceh est la seule province indonésienne qui applique la charia. Depuis le début de l’année 2016, au moins 100 peines de fustigation y ont déjà été infligées. En 2015, on en avait recensé au moins 108. Bien que le Code pénal islamique de l'Aceh s'applique en principe uniquement aux musulmans de la province, les non-musulmans peuvent aussi être condamnés pour les infractions qui figurent dans le règlement provincial mais qui ne sont pas couvertes par le Code pénal indonésien. En avril 2016, une habitante chrétienne de l’Aceh a reçu 28 coups de bâton pour avoir vendu de l’alcool. C’était la première personne non musulmane soumise à une peine de fustigation en vertu de la charia dans cette province. 

En 2013, le Comité des droits de l'homme, qui veille au respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) par les États, a engagé l'Indonésie à prendre des mesures concrètes afin de mettre un terme aux châtiments corporels et d'abroger les dispositions de la législation de l'Aceh autorisant le recours à ces châtiments dans le cadre judiciaire.

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