mercredi 24 mai 2017

Déclaration publique Indonésie

AMNESTY INTERNATIONAL
DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : ASA 21/6279/2017
AILRC-FR
17 mai 2017
Indonésie. Il faut annuler la déclaration de culpabilité et la condamnation à la fustigation de deux hommes gays en Aceh
 
Amnesty International engage les autorités de l’Aceh à annuler immédiatement la déclaration de culpabilité et la condamnation à 85 coups de canne de deux hommes gays pour relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe (liwath) par le tribunal de la charia. C’est la première fois que des condamnations sont prononcées pour ce type de relations, érigées en infraction dans le Code pénal de l’Aceh (Qanun Jinayat), entré en vigueur en octobre 2015.
 
Les deux hommes ont été victimes d’une embuscade de leurs voisins qui ont fait irruption chez eux, les ont filmés et les ont livrés à la police de la charia de la province de l’Aceh. Celle-ci a immédiatement procédé à leur arrestation et à leur placement en détention. Amnesty International demande à la police d’ouvrir une enquête sur les actes commis à l’encontre des deux hommes par des citoyens organisés en milices.
 
Le 17 mai 2017, le tribunal de la charia de Banda Aceh a condamné les deux hommes à 85 coups de canne chacun pour relations sexuelles entre personnes du même sexe (liwath). Bien qu’ils puissent encore faire appel de la décision auprès de la haute cour de Banda Aceh, le procureur a annoncé qu’ils seraient fustigés avant le ramadan, mois de jeûne observé par les musulmans, qui doit commencer le 26 mai.
 
Au regard du droit international relatif aux droits humains, le recours à la fustigation constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant et peut s’apparenter à un acte de torture. Les personnes à qui elle est infligée éprouvent de la douleur et de la crainte, elles se sentent humiliées, et cette pratique peut engendrer des séquelles à long terme, voire permanentes. Le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est garanti par la Constitution indonésienne (article 28G) et par la loi n° 39/1999 relative aux droits humains (article 33). Toutes les formes de châtiments corporels bafouent la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), textes ratifiés par l’Indonésie en 1998 et 2006 respectivement.
 
En 2008, le Comité contre la torture, organe composé d’experts qui veille au respect de la Convention contre la torture par les États parties, avait exhorté l’Indonésie à réexaminer tout son arsenal législatif national et local autorisant le recours aux châtiments corporels comme sanctions pénales, en vue de leur abolition immédiate. En 2013, le Comité des droits de l’homme, investi des mêmes fonctions que le Comité contre la torture pour le PIDCP, a engagé l’Indonésie à prendre des mesures concrètes afin de mettre un terme aux châtiments corporels et d’abroger les dispositions de la législation de l’Aceh autorisant le recours à ces châtiments.
 
En outre, les lois érigeant en infraction les relations sexuelles librement consenties sont contraires au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière. Le Comité des droits de l’homme et d’autres organes des Nations unies chargés des droits humains ont exprimé leur inquiétude quant aux lois criminalisant l’« adultère » ou d’autres relations sexuelles entre personnes consentantes en dehors du mariage, car elles constituent une violation du droit au respect de la vie privée et du droit de ne pas subir de discrimination, entre autres droits, ajoutant que ces lois devaient être abrogées.
 
Les dispositions en ce sens du Code pénal islamique de l’Aceh sont également contraires à l’accord signé en 2005 à Helsinki pour mettre fin au conflit dans la province, qui prévoit que le droit de l’Aceh sera fondé sur les « principes universaux des droits humains tels qu’énoncés dans le PIDCP des Nations unies » (article 1.4.2).
 
Complément d’information
 
Adopté par le Parlement de l’Aceh en 2014, le Code pénal islamique de l’Aceh est entré en vigueur dans toute la province le 23 octobre 2015. Des règlements régissant l’application de la charia sont en vigueur en Aceh depuis l’adoption de la Loi spéciale relative à l’autonomie en 2001 et sont appliqués par des tribunaux islamiques. Ces textes ont allongé la liste d’infractions passibles de fustigation et prévoient dans certains cas jusqu’à 200 coups de canne à titre de sanction. Parmi les « infractions » concernées figurent les relations intimes ou sexuelles librement consenties entre adultes non mariés, les relations sexuelles hors mariage, les relations sexuelles entre personnes du même sexe, la consommation et la vente d’alcool et les jeux d’argent. Le Code pénal de l’Aceh s’applique tant aux musulmans qu’aux non-musulmans. Certains actes qui y sont érigés en infraction ne le sont pas dans le Code pénal indonésien. Au titre du droit international relatif aux droits humains, toutes les formes de châtiments corporels sont interdites ; elles constituent une peine cruelle, inhumaine ou dégradante, voire bien souvent de la torture.
 
Les séances de fustigation se déroulent régulièrement dans des lieux publics et attirent les foules, si bien que des gens prennent des photos et des vidéos qui peuvent accroître encore l’humiliation et la souffrance à long terme des personnes soumises à ce châtiment cruel, douloureux et dégradant.
 
Au moins 108 personnes ont été fustigées en Aceh en 2015, et au moins 100 en 2016. Des personnes non musulmanes ont été sanctionnées au titre de cette loi pour la première fois en avril 2016, lorsqu’une femme chrétienne a reçu 28 coups de badine pour avoir vendu de l’alcool.

Document public
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