AMNESTY INTERNATIONAL
DÉCLARATION PUBLIQUE
Index AI : ASA 21/6279/2017
AILRC-FR
17 mai 2017
Indonésie. Il faut annuler la déclaration de culpabilité et la condamnation à la fustigation de deux hommes gays en Aceh
Amnesty
International engage les autorités de l’Aceh à annuler immédiatement la
déclaration de culpabilité et la condamnation à 85 coups de canne de
deux hommes gays pour relations sexuelles consenties entre personnes du
même sexe (liwath) par le tribunal de la charia. C’est la première fois
que des condamnations sont prononcées pour ce type de relations, érigées
en infraction dans le Code pénal de l’Aceh (Qanun Jinayat), entré en
vigueur en octobre 2015.
Les
deux hommes ont été victimes d’une embuscade de leurs voisins qui ont
fait irruption chez eux, les ont filmés et les ont livrés à la police de
la charia de la province de l’Aceh. Celle-ci a immédiatement procédé à
leur arrestation et à leur placement en détention. Amnesty International
demande à la police d’ouvrir une enquête sur les actes commis à
l’encontre des deux hommes par des citoyens organisés en milices.
Le
17 mai 2017, le tribunal de la charia de Banda Aceh a condamné les deux
hommes à 85 coups de canne chacun pour relations sexuelles entre
personnes du même sexe (liwath). Bien qu’ils puissent encore faire appel
de la décision auprès de la haute cour de Banda Aceh, le procureur a
annoncé qu’ils seraient fustigés avant le ramadan, mois de jeûne observé
par les musulmans, qui doit commencer le 26 mai.
Au
regard du droit international relatif aux droits humains, le recours à
la fustigation constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant et
peut s’apparenter à un acte de torture. Les personnes à qui elle est
infligée éprouvent de la douleur et de la crainte, elles se sentent
humiliées, et cette pratique peut engendrer des séquelles à long terme,
voire permanentes. Le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est garanti par la
Constitution indonésienne (article 28G) et par la loi n° 39/1999
relative aux droits humains (article 33). Toutes les formes de
châtiments corporels bafouent la Convention des Nations unies contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP), textes ratifiés par l’Indonésie en 1998 et 2006 respectivement.
En
2008, le Comité contre la torture, organe composé d’experts qui veille
au respect de la Convention contre la torture par les États parties,
avait exhorté l’Indonésie à réexaminer tout son arsenal législatif
national et local autorisant le recours aux châtiments corporels comme
sanctions pénales, en vue de leur abolition immédiate. En 2013, le
Comité des droits de l’homme, investi des mêmes fonctions que le Comité
contre la torture pour le PIDCP, a engagé l’Indonésie à prendre des
mesures concrètes afin de mettre un terme aux châtiments corporels et
d’abroger les dispositions de la législation de l’Aceh autorisant le
recours à ces châtiments.
En
outre, les lois érigeant en infraction les relations sexuelles
librement consenties sont contraires au droit international relatif aux
droits humains et aux normes en la matière. Le Comité des droits de
l’homme et d’autres organes des Nations unies chargés des droits humains
ont exprimé leur inquiétude quant aux lois criminalisant l’« adultère »
ou d’autres relations sexuelles entre personnes consentantes en dehors
du mariage, car elles constituent une violation du droit au respect de
la vie privée et du droit de ne pas subir de discrimination, entre
autres droits, ajoutant que ces lois devaient être abrogées.
Les
dispositions en ce sens du Code pénal islamique de l’Aceh sont
également contraires à l’accord signé en 2005 à Helsinki pour mettre fin
au conflit dans la province, qui prévoit que le droit de l’Aceh sera
fondé sur les « principes universaux des droits humains tels qu’énoncés
dans le PIDCP des Nations unies » (article 1.4.2).
Complément d’information
Adopté
par le Parlement de l’Aceh en 2014, le Code pénal islamique de l’Aceh
est entré en vigueur dans toute la province le 23 octobre 2015. Des
règlements régissant l’application de la charia sont en vigueur en Aceh
depuis l’adoption de la Loi spéciale relative à l’autonomie en 2001 et
sont appliqués par des tribunaux islamiques. Ces textes ont allongé la
liste d’infractions passibles de fustigation et prévoient dans certains
cas jusqu’à 200 coups de canne à titre de sanction. Parmi les «
infractions » concernées figurent les relations intimes ou sexuelles
librement consenties entre adultes non mariés, les relations sexuelles
hors mariage, les relations sexuelles entre personnes du même sexe, la
consommation et la vente d’alcool et les jeux d’argent. Le Code pénal de
l’Aceh s’applique tant aux musulmans qu’aux non-musulmans. Certains
actes qui y sont érigés en infraction ne le sont pas dans le Code pénal
indonésien. Au titre du droit international relatif aux droits humains,
toutes les formes de châtiments corporels sont interdites ; elles
constituent une peine cruelle, inhumaine ou dégradante, voire bien
souvent de la torture.
Les
séances de fustigation se déroulent régulièrement dans des lieux
publics et attirent les foules, si bien que des gens prennent des photos
et des vidéos qui peuvent accroître encore l’humiliation et la
souffrance à long terme des personnes soumises à ce châtiment cruel,
douloureux et dégradant.
Au
moins 108 personnes ont été fustigées en Aceh en 2015, et au moins 100
en 2016. Des personnes non musulmanes ont été sanctionnées au titre de
cette loi pour la première fois en avril 2016, lorsqu’une femme
chrétienne a reçu 28 coups de badine pour avoir vendu de l’alcool.
Document public
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Pour
plus d’informations, veuillez prendre contact avec le Service de presse
d’Amnesty International, à Londres, au Royaume-Uni ; tél. : +44 20 7413 5566 ; courriel : press@amnesty.org ; Twitter : @amnestypress.
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