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24 novembre 2017
AILRC-FR
Bodybuilding et bikinis. L’athlète de Hong Kong qui se bat pour l’égalité pour les personnes transgenres
Siu-fung Law, bodybuilder non-binaire, fait partie de l’équipe de Hong Kong qui s’est qualifiée pour les Gay Games de 2022.
Hong Kong sera la première ville d’Asie à accueillir le plus grand événement sportif et culturel au monde dont les athlètes et artistes possèdent des orientations sexuelles, identités de genre et expressions de genre différentes. On espère que cela jouera un rôle de catalyseur pour les droits des LGBTI en Asie.
Siu-fung est né femme mais est un homme socialement. Il n’a pas subi de chirurgie de réassignation sexuelle et participe aux compétitions de bodybuilding dans la catégorie femmes.
Il nous raconte son expérience en tant qu’athlète transgenre, la bataille pour l’égalité pour les personnes transgenres à Hong Kong et ses espoirs pour les Gay Games :
Le bodybuilding est un sport paradoxal lorsqu’on parle de genre, et surtout pour les femmes bodybuilders. Il crée les femmes les plus musclées mais réglemente dans le même temps ce qu’est la féminité. Lorsque nous sommes sur scène, nous ne sommes pas uniquement jugées sur nos muscles – nous devons nous coiffer, nous maquiller et porter un style particulier de bikini.
Avant, je réprimais ma féminité, mais grâce au bodybuilding, j’ai appris à aimer mon identité féminine tout autant que ma masculinité. Je pense que nous possédons tous ces deux facettes, mais que la société attend de nous que nous en réprimions une la plupart du temps.
Je ne me considère ni comme un homme ni comme une femme. Je ne veux pas être enfermé par une binarité des genres que la société nous impose. Le bodybuilding me permet d’explorer et de dépasser ces limites.
Avant ma première compétition, il était extrêmement difficile pour moi de porter un bikini et de me produire sur scène avec assurance, puisque je voulais être vu comme un homme. J’ai appris à oublier les étiquettes binaires que nous collons aux vêtements et à traiter le bikini comme un costume. Maintenant, je suis enthousiaste à l’idée de porter de beaux bikinis sur scène, même si je ne les porterais pas à la plage.
En lutte avec mon identité de genre et ma sexualité
Pendant longtemps, j’ai été en lutte avec mon genre et ma sexualité. J’ai fait plusieurs tentatives de suicide parce que j’avais l’impression que personne d’autre dans le monde n’était comme moi. Les personnes transgenres n’étaient presque pas représentées dans les médias, et les rares fois où elles l’étaient, c’était en majorité de manière négative.
Il y a tellement de personnes qui ont toujours peur de faire leur coming out. Lorsqu’elles le font, à cause des valeurs traditionnelles chinoises, la réponse est souvent « O.K., tu sais qui tu es, mais ne le dis pas aux autres »
Beaucoup de familles sont conservatrices et n’accepteront pas que leur fils ou leur fille soit transgenre. Avant qu’une personne transgenre fasse son coming out, elle a souvent lutté pendant longtemps. Elle doit d’abord s’assurer qu’elle est financièrement indépendante au cas où elle serait chassée de la maison lorsqu’elle en parle à sa famille.
Mon coming out auprès de ma famille
Je n’ai jamais vraiment fait de « coming out » auprès de ma famille. Je leur ai petit à petit dévoilé un peu plus de choses sur moi-même. Mes parents sont plutôt conservateurs, mais ils me soutiennent. Je serai toujours leur fille et ils acceptent que je sois différent. C’est une acceptation progressive.
Mon père m’a dit que j’avais choisi une voie difficile et qu’il s’inquiétait de savoir si j’aurai suffisamment d’amis. Tous les parents ont ces inquiétudes pour leurs enfants. Il y a quelques années, il m’a demandé quelles toilettes j’utilisais quand il s’est rendu compte des problèmes que cela pouvait me causer. Maintenant, nous utilisons les mêmes toilettes. Il a également commencé à partager ses vêtements avec moi, et il accepte qu’il soit normal que socialement, je m’habille comme un homme. Ma famille essaye de m’accepter pour ce que je suis.
Quand j’ai commencé le bodybuilding, ma mère a vraiment détesté ça. Elle disait que les muscles, c’était pour les hommes, pas les femmes. Elle disait à ses proches que je participais à une compétition et que j’aurais l’air « normal » une fois que la compétition serait finie. Cela a changé l’année dernière quand j’ai participé à ma première compétition à Hong Kong et qu’elle a voulu venir voir. J’ai fini quatrième et après, elle est venue me voir dans les coulisses et m’a dit que j’aurais dû gagner parce que c’est moi qui avais le plus de muscles.
Les obstacles auxquels les personnes transgenres sont confrontées à Hong Kong
Les personnes LGBT sont confrontées à des obstacles différents, mais sont souvent regroupées toutes ensembles. Pour la communauté transgenre, le plus grand obstacle est d’être accepté par la société dominante.
Dans le milieu du travail, si vous avez un emploi et que vous voulez changer de genre, beaucoup d’entreprises ne sont pas prêtes à l’accepter ou ne le veulent pas. Il arrive souvent qu’une personne transgenre doive quitter sont travail pour se faire opérer, puis trouver un nouvel emploi. Cela va de mieux en mieux, mais la stigmatisation et les fausses idées existent toujours dans le milieu du travail. Si une femme transgenre originairement de sexe masculin utilise les toilettes pour femmes, cela génère souvent de nombreuses plaintes de la part de ses collègues.
Ceci souligne le fait que Hong Kong a besoin de lois contre la discrimination envers les personnes LGBT. Cela ne devrait pas être le seul objectif, mais c’est une première étape cruciale. La discrimination ne disparaîtra pas, mais au moins, nous aurons une base pour nous protéger, et cela enverra un message fort à la communauté élargie.
Les gens demandent si la communauté LGBT veut des privilèges spéciaux, mais tout ce que nous demandons, c’est l’égalité. L’amour est l’amour, quel que soit votre genre ou votre sexualité. Nous devons célébrer la diversité et la différence.
J’ai bon espoir que les jeunes soient plus ouverts à la diversité et acceptent plus facilement la différence. Les nouveaux médias les aident à être mieux informés sur les personnes transgenres. Dans 10 ans, ce sont ces personnes qui seront au gouvernement, les perspectives à long terme sont donc positives.
Soutien aux Gay Games
Même s’ils ont lieu dans cinq ans, j’ai déjà hâte de participer aux jeux dans ma ville. Cela sera un événement majeur pour le mouvement LGBT à Hong Kong et en Asie. J’espère que cela encouragera à la fois les personnes LGBT et la communauté élargie à faire du sport, mais aussi que cela permettra au sport d’être une plate-forme pour promouvoir les droits humains et l’égalité.
En ce qui concerne le bodybuilding, nous espérons avoir une catégorie en plus des catégories hommes et femmes, que ce soit une catégorie transgenre ou une catégorie où il n’y a pas besoin de se coller une étiquette. Cela enverra un message positif à la communauté transgenre en Asie.
Nous espérons que le gouvernement de Hong Kong soutiendra les jeux et notamment l’utilisation des enceintes sportives publiques. Jusqu’à présent, le gouvernement est resté plutôt prudent et ambigu, et affirme qu’il soutient l’égalité mais qu’il ne veut pas qu’on pense qu’il privilégie certains groupes.
Les personnes transgenres doivent bénéficier de plus de visibilité et de représentation auprès de la société dominante, notamment afin de soutenir les personnes qui pourraient être en difficulté. J’espère que les personnes qui sont en lutte avec leur genre et leur sexualité verront qu’elles ne sont pas seules et qu’elles ne le seront jamais.
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